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 Mieux vaut tard que jamais... / Par un joli après-midi de juin

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Aliénor
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Aliénor


Messages : 2194
Date d'inscription : 02/03/2011

Mieux vaut tard que jamais... / Par un joli après-midi de juin Empty
MessageSujet: Mieux vaut tard que jamais... / Par un joli après-midi de juin   Mieux vaut tard que jamais... / Par un joli après-midi de juin Icon_minitimeMer 23 Mar - 9:32

Alienor Vastel a écrit:
C'était un môme, un ptit brun aux yeux vifs, qui s'approchait de la grille du domaine, puis qui apostropha l'homme de garde, d'une voix gouailleuse.

Hey M'sieur ! J'ai un' lettre pour la dame qu'habite là ! C'une tite blonde qui m'l'a donnée, à Compiègne, juste avant qu'elle quitte la ville. Pour sûr qu'elle était chargée, y'avait des meubles et des coffres dans sa charrette. Pour ça qu'elle pouvait pas faire l'détour, j'pense.
'Fin bref, m'a donné 10 écus pour que j'y vienne ici d'nner la lettre !


Et le môme de confier la missive, juste cachetée et sur laquelle on voyait inscrit d'une écriture appliquée "Pour sa Grâce Ysa d'Airain, Duchesse de Jouarre, Baronne de Coulommiers, Dame de Brainville et Dame de Mathusalem".
Avant de s'en retourner en sifflotant, comme il était venu.


Citation :
Compiègne, le 22 mars de l'an 1459


Votre Grâce...

Vous n'êtes pas sans savoir maintenant mon retour en Champagne. J'aurai voulu vous l'apprendre par moi-même, une fois que j'y aurai été prête. J'avais même été, je l'avoue, jusqu'à suggérer à Kevin cette promenade dans votre parc, je suppose que cela aussi vous le savez, dans l'espoir de provoquer cette rencontre, mais n'ai pu trouver la force et le courage d'aller jusqu'au bout.

Il est fort probable que vous m'en vouliez de ne m'être présentée à vous. Ou cela vous est indifférent, après tout, je n'en sais rien...
Permettez-moi simplement, par ces quelques lignes, de vous expliquer. Libre à vous ensuite de jeter cette lettre ensuite au feu, je ne vous demande rien d'autre que d'en terminer la lecture.

Lorsque mes parents sont morts, lorsque la nouvelle m'en a été annoncée, tout s'est mélangé en moi. Trop d'émotions, trop d'incompréhensions surtout. De la peine, de la douleur. De la colère aussi.
Comment, lorsque l'on est une enfant, appréhender le fait que votre mère, celle qui vous a porté et donné la vie, que votre père, qui est censé vous aimer, vous abandonnent ainsi ? De perdre aussi rapidement et sans comprendre pourquoi, des parents, une famille, une voie qui semblait tracée.

J'ai été envoyée en Montpellier chez ma tante, la soeur de ma mère. Je vous en ai voulu, un abandon de plus, j'ai cru que vous en étiez à l'initiative, que vous vous étiez débarrassée de moi, que vous ne vouliez plus m'accueillir ainsi que ma mère vous l'avait demandé.

Je n'ai appris que ce matin, en retrouvant par hasard une lettre dans un de ses coffres resté dans la chaumière compiégnoise, qu'il n'en était rien, que je m'étais trompée... La dernière lettre d'une mère à une fille...
Je ne m'explique pas pourquoi cette missive était à cet endroit, pourquoi elle ne m'avait pas été donnée à sa mort. Oubli de la confier à qui de droit, maladresse qui l'a fait glisser dans ce coffre ? Je crois que l'on ne le saura jamais... et pourtant, cela aurait évité bien des tourments.

J'y ai appris les raisons qui l'ont poussée à mettre en avant son devoir de vassale au détriment de son rôle de mère. Même si je ne les comprends pas encore, au moins je les connais...

J'y ai aussi et surtout découvert que c'était sur sa demande que j'avais été éloignée de Champagne, pour me protéger. Je me suis fourvoyée à votre sujet, j'ai cru ce qui n'était pas, alors que vous n'aviez que respecté les dernières volontés de ma mère, votre cousine.

Je quitte Compiègne, il m'est impossible d'y rester. J'ai un deuil à terminer de faire, je dois essayer d'apprendre à pardonner ce qui a été. Ce sont à peu de choses près les paroles de votre époux lorsque je l'ai rencontré et qu'il a découvert qui j'étais. Il a raison, je le sais maintenant, même si la route est encore longue et pavée de désillusions.
Et ce n'est pas en restant dans le village où mes parents se sont aimés, où j'ai grandi, où leur souvenir est présent dans mes pensées, que je pourrai avancer. Et vivre... en paix avec moi-même...

Les derniers mots couchés par ma mère sont : "Je te souhaite tout le bonheur que tu mérites. Vis, avec honneur et courage, fais tes propres choix, apprends de tes erreurs, et sois heureuse. Voici mes seules consignes.."
Je vais essayer de les suivre...

Je suis désolée pour la longueur de cette missive, mais il fallait que vous sachiez... J'espère que vous comprendrez...


Respectueusement.

Aliénor Vastel d'Assas


PS : n'en tenez pas rigueur à Kevin de vous avoir caché ce qu'il savait, il n'a fait que suivre une promesse qu'il m'avait faite, celle de ne pas révéler qui j'étais par rapport à vous, tant que je n'étais pas prête. C'est quelqu'un de droit, qui a malgré lui été placé dans une situation délicate, et je le regrette.


Ysa a écrit:
Il était plus que temps que la marraine qu'elle était prenne la plume pour répondre à sa filleule. Jusqu'alors elle n'avait point eu le temps nécessaire à cela. Elle ne souhaitait nullement répondre à la hâte à celle qu'elle avait vu grandir jusqu'à ce que le destin les sépare. Le destin ou plutôt le choix de ses parents. Choix qu'Ysa n'avait jamais compris, encore moins depuis qu'elle était mère ... Amory ne la laisserait jamais agir ainsi mais s'il partait avant elle ? Que ferait elle ? Elle n'en savait rien ... et pour cela elle tentait de ne point juger sa cousine ... Difficile. Tous les événements s'étaient bousculés pour Ysa ... mariage ... seigneurie ... premier mandat ducal qui l'avait éloignée de sa famille même si Mag était présente au sein du conseil ... poutrage par l'armée de Pisan après la disparition de Tomsz ... puis était venue celle de Pisan, puis Mag ...

Aujourd'hui tout cela était loin mais ancré dans la mémoire de la Duchesse qui se rappelait encore les promenades qu'ils avaient pu faire avec Aliénor plus petite. Petite fille curieuse, éveillée ... malicieuse également et qui avait du bien grandir depuis. Il était d'ailleurs possible qu'elles se soient croisées à Compiègne ou encore au castel de Reims, où Aliénor venait d'être nommée adjointe du porte parole. S'était-elle cachée en reconnaissant sa marraine ? S'étaient elles seulement réellement croisées ? Et comment croire que sa marraine l'avait abandonnée ? Comment la petite fille qu'elle était, avait elle pu oublier l'affection de sa marraine ?

Se fut le coeur lourd qu'Ysa se mit à son bureau en jetant un oeil par l'une des fenêtres. Dire qu'il y avait peu, Ali ... c'était ainsi qu'aimait à l'appeler son parrain ... se promenait ici même à quelques pas d'Ysa sans même que cette dernière ne le sache.


Citation :
Aliénor,

Tout d'abord saches que je suis heureuse de savoir que tu vas bien. De te savoir en Champagne est aussi pour moi un soulagement, je pourrais ainsi, si nécessaire, être là pour ma filleule. Peut être l'as-tu oublié mais c'est mon rôle d'être là pour toi, d'autant plus que tes parents nous ont malheureusement quittés bien trop tôt.

Maintenant que ceci est dit j'aimerais aussi te faire part de ma très grande déception. Tu es venue à Jouarre sans daigner te présenter à ta marraine. J'ai bien compris le pourquoi. Tu m'en voulais et pensais que je n'avais pas souhaité t'avoir à mes côtés ... ce qui est faux, tu le sais à présent. Mais tout de même, tu aurais au moins pu me faire part de ton arrivée en Champagne. M'expliquer ton ressenti, me dire que tu me haïssais de t'avoir abandonnée ou que sais je encore ! Il a fallut qu'Amory te croise en taverne pour que je sois informée de ta présence à Compiègne. Sans cela je serais encore sans aucun doute dans l'ignorance ...

Tu apprendras à me connaitre mais déjà sache que j'aime la franchise, que les choses soient dites ... Garder pour soi n'amène bien souvent que des malentendus ou des quiproquos. La preuve en est ce qui vient de se passer.

De plus, tu as mis Kevin dans une position des plus délicates. Il connait le fond de ma pensée à ce sujet et je ne reviendrais point la dessus. J'espère que tout comme lui, cela t'aura servi de leçon. Je reconnais bien ta mère là d'ailleurs ... apprendre de ses erreurs. Elle a tout à fait raison. Nous faisons tous des erreurs, les regretter est inutile, en apprendre est par contre riche d'enseignements. Il ne faut jamais perdre de vue que l'erreur est humaine et que nul n'est parfait.

Je vais arrêter là ma morale ... Je pense, tout du moins j'espère qu'elle a été inutile et que tu avais déjà compris ce qu'il en était.

J'espère te voir bientôt. A ce sujet les portes du Domaine de Jouarre te sont ouvertes. Tu pourras ainsi te promener à loisir dans les jardins et découvrir la roseraie ou le jardin des simples.

Que le Très Haut veille sur toi.

Ta marraine, Ysa.

Pli scellé aux armes de La Ferté puisque Sylvestre n'avait toujours pas daigné se pencher sur la fiche familiale d'Airain et ce depuis octobre .... puis la Duchesse la confia à un valet, espérant qu'elle serait comprise.

Alienor Vastel a écrit:
La missive venant de Jouarre l'avait trouvée à Châlons, où elle se reposait dans ses appartements de ses aller-venues incessantes entre Troyes et le castel de Reims. Elle avait parfois l'impression de passer son temps à sillonner la campagne champenoise, qu'elle commençait maintenant à bien connaître.
Elle avait presque fini par oublier la lettre qu'elle avait fait déposer à l’intention de sa marraine, alors qu'elle quittait Compiègne. C'est que nombre d'évènements étaient venus la distraire depuis. Des bons comme des moins bons d'ailleurs. Certains qui lui occupaient l'esprit comme ses différentes fonctions, d'autres encore qui lui donnaient du baume au coeur, comme ces longues discussions en taverne et ces chevauchées agréables. Des désillusions aussi, certaines frivolités qu'elle regrettait amèrement... Mais elle faisait ses choix, elle apprenait de ses erreurs.
Etait-elle heureuse pour autant ? D'une certaine façon, oui. Elle avait enfin réussi à faire son deuil, et cette colère envers ses parents, envers ce qui avait été, cette colère n'était plus. La rencontre avec Aimelin avait aussi joué dans cette évolution, elle avait découvert avec lui le portrait d'une mère comme elle ne l'avait jamais connue. Insouciante, gaie, enjouée...

Le valet frappa à la porte, puis entra à son invitation, déposant sur la table le pli, avec un regard intrigué vers le scel qui le fermait, avant de sortir.
La petite blonde prit le temps de s'asseoir, pervenches fixées sur la missive. Puis elle saisit sa dague, et d'un geste sûr, brisa le cachet. Vélin déplié qui offre à son regard le contenu de la lettre. Un léger sourire, puis le visage qui se durcit un peu. Des reproches, voila ce qu'elle lisait, et elle n'aimait pas cela, elle qui avait été habituée à ce qu'on lui passe tous ses caprices.
Une inspiration, et une deuxième lecture, plus mesurée. Un sourire à nouveau, la Duchesse était connue pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, et visiblement, malgré les années, cela n'avait pas changé ! Et s'attarder sur la fin, "j'espère te voir bientôt"...

Aliénor rapprocha son matériel d'écriture, prit un vélin, et entreprit alors de rédiger une réponse. Plume légère qui glisse sur la feuille.



Citation :
Votre Grâce, Ysa, ma marraine,

Puisque vous désirez la franchise, laissez-moi aller au fond de ce que j'ai pu ressentir. Je n'ai jamais reçu de nouvelles de votre part lorsque j'étais en Languedoc, nulle missive. A l'éloignement s'est ajouté un sentiment de désintérêt.
Voila pourquoi, par orgueil sans doute, je n'ai pas souhaité vous rencontrer lors de mon retour à Compiègne, ou lors de cette promenade dans vos jardins.

Avec le recul, j'en suis à me demander si malgré tout, vous n'avez pas pris de mes nouvelles, missives que ma tante m'aurait cachées, elle qui voulait tant me protéger de tout ce qui pouvait rappeler la Champagne...

Mais peu m'importe maintenant, l'on ne peut revenir sur le passé, seul m'intéresse l'avenir. Cette maxime que me répétait souvent ma mère, qui la tenait elle-même de son père, je ne sais si vous vous en souvenez. "L'avenir est plus précieux que tout le passé".

J'ai appris que vous alliez donner un petit frère ou une petite soeur à Anthonin, j'espère que vous vous portez bien et que cette grossesse ne vous occasionne pas de soucis. Peut-être pourrais-je vous visiter après votre accouchement si vous me l'autorisez, cela me permettra, outre le fait de vous revoir, de faire la connaissance de mes petits cousins.

Avec tout mon respect,

Aliénor

Missive sablée, léger souffle pour enlever le surplus, puis cachetée et confiée aux bons soin d'un valet pour qu'il la fasse parvenir à sa destinataire.

Alienor Vastel a écrit:
[Troyes, le 1er juin]

Troyes oui, car Châlons n'était plus qu'un souvenir, la petite blonde ayant quitté le domaine, et la GM par la même occasion, quelques temps plus tôt. "Léger" différend avec le Vicomte, qui lui avait valu de se voir fermer les lourdes grilles, et finalement c'était tellement mieux ainsi. Regrettait-elle les facilités que son appartenance à la Maison d'Armantia lui avaient procurée durant les quelques semaines qu'elle y avait passées ? Même pas, elle avait retrouvé cette liberté qu'elle aimait tant, et plus que jamais ne devait de comptes à personne d'autre qu'à elle-même.

Son retour à Troyes lui avait également permis de faire de longues promenades autour du village, de passer de longues soirées en taverne, si... agréables. Ces discussions, des mots bien sûr, mais surtout ces silences et ces regards qui en disaient tellement plus que les paroles, cette complicité, ces taquineries. Pour la première fois depuis longtemps, ses nuits étaient calmes et douces, les cauchemars s'étaient évanouis comme neige au soleil.

Le passé nous façonne, il fait de nous ce que nous sommes. L'avenir n'est qu'incertitude, il peut abattre brutalement et sans sommations tous les projets qu'on a bâtis. Le présent en revanche nous appartient, et l'adolescente entendait bien profiter au maximum de ce qu'il pouvait lui offrir. "Vis, avec honneur et courage... Sois heureuse". Ces derniers mots de sa mère résonnaient en elle comme un chemin de vie. Elle vivait l'instant présent, elle le savourait avec avidité, s'en enivrait, ne cherchant pas à savoir ce que demain lui apporterait. Et elle était heureuse.

Elle avait démissionné de son poste de tribun qui ne lui apportait aucune satisfaction, ne gardant que sa fonction de Courrier qu'elle appréciait tant. Et c'était au détour d'un couloir du castel de Reims, lors d'un de ses passages, qu'elle y avait entendu la nouvelle. La Secrétaire d'Etat avait enfanté de son deuxième enfant. La Secrétaire d'Etat... Ysa... la cousine de sa mère, sa marraine...

Aliénor se tenait debout devant la fenêtre de sa petite maison troyenne, mains croisées dans le bas de son dos, pervenches songeuses dirigées vers le jardin où les rosiers se paraient de leurs fleurs colorées. Elle se remémorait les missives échangées avec la Duchesse, la proposition de cette dernière de venir la visiter à Jouarre si elle le souhaitait, et sa réponse, qu'elle le ferait une fois qu'Ysa aurait mis au monde l'enfant qu'elle portait alors.
Le moment était venu, il était plus que temps qu'elle s'y rende. Rencontrer celle qu'elle n'avait pas vue depuis de si longues années, depuis la mort de ses parents. ; faire aussi la connaissance de la seule famille qu'il lui restait en Champagne.

Elle se détourna de la fenêtre et porta ses pas vers sa chambre, où elle enfila sa tenue de monte. Cette jupe bleue, de la couleur de ses yeux, et ample -ô combien elle détestait les braies !- qui lui permettait de monter à califourchon sans être entravée dans ses mouvements.
Puis une missive rédigée au jeune seigneur dont les prunelles grises plongées dans ses pervenches lui racontaient tant de choses, afin de le prévenir qu'elle quittait Troyes pour quelques jours. Car Jouarre n'était pas à côté, il lui faudrait bien une bonne journée de chevauchée au moins pour y arriver, elle dormirait dans une auberge sur le chemin.
Avant de sortir de sa maison et de se diriger vers le local qui servait d'écurie, d'y seller Etoile et de la charger des fontes qu'elle avait emplies de quelques affaires et provisions. Et de prendre la route vers le nord.



[Jouarre, le 2 juin]
"Il est temps à nouveau, oh temps à nouveau
De prendre le souffle a nouveau
Il est temps à nouveau, oh temps à nouveau
De nous jeter à l'eau"
J.L. Aubert - "Temps à nouveau"


Le soleil atteignait à peine son zénith lorsque la cavalière aperçut les murs du domaine. Une légère brise en cette fin de matinée faisait voler autour de son visage sa longue chevelure blonde qu'elle avait laissée détachée, comme à son habitude, et elle porta une main à une mèche de cheveux pour la replacer derrière son oreille.
Arrivée devant la grille, elle se laissa glisser de sa monture et fit à pied les derniers pas qui la séparaient de l'entrée, tenant fermement les rênes de sa Frisone.

Regard souriant vers la cloche, se souvenant de la dernière fois qu'elle s'était trouvée à cet endroit. Elle avait hésité, alors, entrer ou faire demi-tour. Espérant et redoutant en même temps de rencontrer Ysa, colère et rancœur alors encore profondément ancrées en elle.
Mais les choses avaient changé, avaient été mises au clair et nulle hésitation aujourd'hui lorsqu'elle tendit la main et fit résonner le carillon. Se demandant qui viendrait l'accueillir, peut-être le garde de la dernière fois. La reconnaîtrait-il alors, ou faudrait-il qu'elle se présente ? Cette fois, ce ne serait pas comme l'amie de Kevin venant se promener avec lui dans les jardins.
Mais comme Aliénor Vastel d'Assas, fille de la cousine défunte de la maîtresse des lieux. Et sa filleule.

Aldric a écrit:
Le mois de juin était déjà là. Plus il vieillissait, plus le garde trouvait que le temps défilait à une vitesse folle. Mais quand donc le temps cesserait il donc d'avancer si vite ? Pourtant il tentait de profiter le plus possible de chaque instant, se promenant dans ces magnifiques jardins en profitant de leur calme loin du tumulte de la mesnie.

Se fut lors d'une de ses promenades matinales qu'il aperçut une jeune fille blonde aux grilles. La silhouette ne lui était pas inconnue, il lui semblait que c'était la même, qui il y a peu était venu rendre visite au prévot. Aldric s'approcha donc afin de connaitre la raison de sa venue icelieu. Si sa mémoire était bonne, cette jeune fille dont il avait oublié le prénom, était bien plus qu'une amie de Kevin.

Une de ces fameuses colères noires de la Duchesse avait éclaté peu de temps après sa visite ... c'était là que la mesnie avait appris qu'Ysa était marraine de cette jeune fille ... Al ... Al quelque chose. Le vieux garde commençait à perdre sa si bonne mémoire. Filleule censée être dans le Languedoc, bien loin donc de la Champagne et dont la maitresse des lieux ignorait la venue.

Une fois à quelques mètres de l'entrée du Domaine, Aldric put mieux voir la nouvelle arrivante et conforter son idée première.


Bonjour jeune fille. Vous venez rendre visite à Kevin ?


Alienor Vastel a écrit:
[Devant les grilles]

Elle avait lâché la chaîne reliée à la cloche, et s'était rapprochée de sa jument, une main sur la muserolle, caressant de l'autre la marque blanche en forme d'étoile entre les yeux, qui contrastait avec le noir de la robe, et lui avait valu son nom. Quelques mots murmurés Tu crois que j'ai bien fait ? Et un sourire amusé en constatant qu'elle n'avait pas perdu cette habitude qu'elle avait de parler aux animaux. Son chaton, qui d'ailleurs était maintenant devenu un gros matou, ou Etoile... Comme des confidents qui avaient l'avantage de ne jamais la contredire !

Avait-elle bien fait ?
Avait-elle bien fait de venir, elle ôta cette idée de son esprit, après tout sa marraine lui avait écrit qu'elle espérait la voir.
Avait-elle bien fait de venir sans s'annoncer au préalable en revanche, Ysa n'était peut-être pas présente, ou ne pouvait-elle pas la recevoir au moment où Aliénor en avait décidé ?
Au pire, elle en serait quitte pour avoir fait un petit voyage dans la campagne champenoise...

Et d'autres questions qui tournent dans sa tête. Ysa reconnaîtrait-elle en elle l'enfant qui était partie en Languedoc des années auparavant ? Il y avait bien cette ressemblance physique entre elle et sa mère, mais cela suffirait-il à l'assurer de son identité ? Après tout, n'importe qui pourrait se faire passer pour elle, n'importe qui connaissant un tant soit peu l'arbre généalogique d'Airain. Et comment trouver les mots pour lui dire qu'elle n'attendait rien d'elle, qu'elle n'aimait rien de plus que sa liberté, mais qu'elle souhaitait simplement renouer les liens familiaux distendus depuis la mort de ses parents ?

Quoi qu'il en soit, elle aurait bientôt réponse à ses interrogations, lorsque tournant la tête, elle aperçut le garde qui approchait. Le même que la dernière fois, d'ailleurs.
Et franc sourire pour lui répondre.


Le bonjour... arf, toujours cette hésitation sur la façon d'appeler les personnes, option on prend la tangente pour éviter un impair ... à vous ! Si je viens voir Kevin ? Euuh... non... oui... hm, décide-toi ma fille, respire un bon coup et reprend ! Enfin non, pas pour l'instant, après peut-être. En fait... la Duchesse est-elle en mesure de me recevoir ? Je suis Aliénor... Vastel d'Assas... sa filleule.

Voila, c'était dit, elle était au pied du mur maintenant, enfin au pied de la grille. Plus qu'à attendre la réponse, et l'adolescente saurait...

Aldric a écrit:
La jeune fille contrairement à ce que s'imaginait le garde, qui la pensait sur d'elle, hésita quelque peu dans sa réponse. Sa filleule ... donc c'était bien ce qu'il avait compris lors du dernier coup de sang de sa maitresse. Alienor était la filleule de la Duchesse de Jouarre, surement la seule famille qu'il lui restait ou presque. Son oncle ne se décidant à lui faire parvenir pigeon qu'une fois par an.

Alienor ... enchanté. Je me prénomme Aldric et je gère les entrées de ce domaine depuis ... Longtemps ... de longues années qui ne le rajeunissait pas. Depuis ... le premier mandat de Duchesse de votre marraine qui, d'ailleurs est sortie il me semble. Enfin elle ne devait pas être allée bien loin avec le nouveau né. Peut être dans les jardins, ou aux écuries, ou au village, ou dans la roseraie ou ... C'était que le Domaine était vaste. Certes elle n'avait pas du le quitter mais où était elle donc ?

Mais entres donc ... Elle ne doit pas être si loin que cela. Tout du moins l'espérait il. Puis elle sera je pense, heureuse de te voir. Grilles ouvertes, le barbu s'effaça pour laisser la blondinette entrer. L'une des servantes doit être informée du lieu où est parti sa Grasce ...


Alienor Vastel a écrit:
[Devant les grilles]

Pourquoi était-elle malgré tout impressionnée ? Elle s'était préparée à cette entrevue... depuis la missive d'Ysa l'invitant à Jouarre. Mais c'était une chose que de répéter dans sa tête des phrases qui de toute façon ne seraient peut-être jamais prononcées, tout dépendrait en fait du tour que prendrait l'entretien, et c'en était une autre d'y être vraiment.

Ce qu'elle dirait à Ysa, ce qu'elle lui tairait... Elle y avait réfléchi. Sa marraine n'avait pas besoin de tout savoir, les erreurs qu'elle avait commises, les choix qu'elle avait faits. Aliénor n'était pas venue chercher sa bénédiction quant à la vie qu'elle menait, de toute façon, l'enfant qu'Ysa avait connue n'en faisait déjà qu'à sa tête, et les choses avaient peu changé depuis ! Non, pas sa bénédiction... mais peut-être lui assurer que l’adolescente pleine de colère envers vers ceux qu'elle avait cru l'avoir abandonnée était maintenant en passe de devenir une jeune femme qui croquait la vie à pleines dents, et heureuse... Surtout heureuse...

Impressionnée un peu donc, mais aussi rassurée, elle n'avait pas fait le chemin pour rien, la Duchesse était là. Et elle sera heureuse de la voir, avait dit le garde barbu. Ô combien elle l'espérait aussi !

Et c'est avec un franc sourire qu'elle lui répondit.


Je suis enchantée également, Aldric. Depuis le premier mandat de ma marraine, dites-vous ? Peut-être avez vous connu ma mère alors... Ce n'était pas une question, juste une remarque que la petite blonde se faisait. Après tout que lui importait qu'il l'ait connue ou non, elle n'était pas sa mère, cette femme triste et résignée dont elle avait gardé le souvenir. Non, elle était elle, Aliénor, l'adolescente qui tirait les leçons de ce qu'elle avait vécu, de ce que ses parents avaient vécu, avec la ferme intention de ne pas le reproduire, et de vivre, tout simplement.

Avant de passer la grille, pour la deuxième fois depuis qu'elle était de retour en Champagne, de confier Etoile à Aldric et d'ajouter avec un petit rire.
Et bien je vais me renseigner pour savoir où je puis trouver Sa Grâce !


Dernière édition par Aliénor le Dim 29 Jan - 20:38, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Mieux vaut tard que jamais... / Par un joli après-midi de juin   Mieux vaut tard que jamais... / Par un joli après-midi de juin Icon_minitimeMer 13 Avr - 21:16

Par un joli après midi de juin

Ysa a écrit:
Voilà un peu plus d'un mois que la duchesse de Jouarre avait donné naissance à son second fils, prénommé Adrian. Les jours ayant suivi l'accouchement avaient été difficiles pour la jeune femme. La mise au monde avait été bien plus rapide que pour son premier né, mais elle avait perdu bien plus de sang ... Puis il ne fallait pas oublier qu'elle avait aussi pris quelques années de plus. Aussi, enfermée dans ces appartements durant une bonne dizaine de jours de force ... ou presque, elle s'était requinquée avec l'aide de son époux et de sa belle soeur.

Anthonin avait d'ailleurs du se sentir délaissé durant cette période, et la brunette s'en voulait énormément. Déjà que le petit blondinet avait eu du mal à accepter la venue d'un autre enfant dans la famille mais en plus sa mère n'avait pu s'occuper de lui comme elle en avait l'habitude, juste après l'arrivée de son petit frère. Le lien de cause à effet était vite fait.

Enfin ... heureusement il s'agissait d'un second garçon. Le mini Duc avait bien fait comprendre à ses parents que si c'était une fille il faisait ses valises. Charmant dans la bouche d'un enfant de 4 ans qui n'irait pas bien loin mais inquiétant aussi. Comment réagirait il si c'était une petite fille ? Bouderait il parents et soeur ? Cela durerait il ? Voilà ce qui avait préoccupé Ysa à la fin de sa grossesse.

Heureusement, la question de la fugue de l'ainé ne se posait donc point mais comment allait il accepter son petit frère ?

La duchesse en était là de ses réflexions quand elle arriva dans un de ses coins préférés du Domaine. Entre rivière et forêt ... au calme mais à faible distance du castel afin qu'époux comme valets puissent la trouver en cas de besoin, d'urgence plus exactement. Puisque la Diablesse ne supportait pas d'être dérangée pour rien quand elle se retrouvait en ce lieu de sérénité.

Par contre, avant de ne partir du castel, elle avait prévenu la nourrice d'Anthonin, en cours avec son précepteur, que s'il la cherchait, il serait plus que le bienvenu auprès de sa mère qui avait par contre pris avec elle le petit dernier dont elle avait encore beaucoup de mal à se séparer.

Un valet l'avait accompagné jusqu'à cette petite clairière éclairée par un doux soleil de fin de matinée où l'herbe était bien verte et où on ressentait la fraicheur du bois tout autant que celle du cour d'eau. Le jeune page installa à l'endroit souhaité une large couverture sur laquelle il déposa un panier garni par le maitre queux qui avait encore dû gâter sa maitresse de petites douceurs.


Merci. Vous pouvez disposer.

Une fois seule, la Duchesse put prendre ses aises. Elle s'installa sur la couverture, les jambes à moitié recroquevillées sous elle et déposa le petit être aussi brun que sa mère, dans ses langes, tout contre elle. Juste avant de partir, elle lui avait donné le sein, il était donc repu et dormait paisiblement un léger rictus sur le coin gauche des lèvres, qui pouvait sembler être un sourire.

Noisettes virevoltant au dessus de l'eau, la jeune femme s'attacha les cheveux avec un pic à chignon, tentant de réunir cette chevelure sauvageonne qu'elle mettait des heures à coiffer habituellement. Loin de Reims, loin du Louvre ... nul besoin de chignon tiré à quatre épingles, ni de froufrous. Ici elle pouvait être elle même, cette jeune femme insouciante qui avait été hapée par la politique sans même s'en rendre compte. Des mois elle avait hésité à se présenter à la mairie de Compiègne ... le commencement d'un long et douloureux périple ... Aujourd'hui, elle était enfin sereine, loin des loups et louves champenois aux longues dents acérés prêts à tout pour réussir, prêts à tout pour écraser quiconque se mettraient en travers de sa route. Sa charge de Chef de Cabinet du DR lui permettait d'observer, d'aider dans l'ombre mais de ne plus participer ... de ne plus se perdre dans ce tourbillon comme elle l'avait fait à de maintes reprises.

Oui c'était ce tourbillon qui faisait qu'aujourd'hui elle possédait ces si belles terres, mais à quel prix ? N'aurait elle pas été mieux dans sa petite chaumière de Compiègne de l'avenue principale ? Peut être ... peut être pas ... elle ne le saurait jamais. Ce qui était certains c'était qu'elle avait mari et fils qu'elle n'échangerait pour rien au monde, absolument rien. Ils étaient toute sa richesse, sa fierté, sa vie.

Ses yeux revinrent sur Adrian ... il lui ressemblait. Il avait les yeux bleus de son père mais le reste, les traits, les cheveux ... c'était Ysa. Au moins un de ses enfants lui ressemblerait ... Anthonin étant le portrait craché de son père, elle avait espéré que le second aurait au moins un petit peu d'elle. Et c'était le cas ...

Alienor Vastel a écrit:
[Entre forêt et rivière]

"L’entendez-vous, l’entendez-vous,
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse."
Emile Verhaeren - "Le chant de l’eau"



On lui avait indiqué où elle pourrait trouver la Duchesse. Dans une clairière, près de la rivière. Un valet avait proposé de l'accompagner, mais la petite blonde avait décliné, préférant parcourir seule les derniers pas qui la séparaient de sa marraine. Etre seule dans ses pensées, pour ces derniers moments. Et puis ça faisait partie des choses qu'elle appréciait particulièrement, se promener, uniquement dérangée par le chant des oiseaux ou le bruit du vent dans les feuilles. Elle avait donc demandé la direction, puis dirigé ses pas vers les arbres.

Elle avait rejoint la rivière, et l'avait longée quelques instants, avant de s'arrêter et de laisser ses pervenches balayer l'eau claire. Un sourire songeur sur les lèvres, on aurait dit qu'elle cherchait quelque chose. Et d'une certaine façon, c'était le cas.
Son regard s'arrêta sur quelques cailloux sur la berge avant de se poser sur l'un d'eux. Un galet, rond, lisse, usé par le courant. L'adolescente se pencha et le prit au creux de sa main, l'observant attentivement, avant de refermer sa main dessus, ses yeux vagabondant à nouveau sur la rivière.
Et le sourire qui, de rêveur, se fait heureux, à se souvenir d'une discussion, presque deux mois auparavant, dans un cadre similaire, au milieu de la forêt troyenne. Une discussion faite de mi-mots, de non-dits, d'images, et dans laquelle pourtant tant de choses avaient été exprimées. Une discussion qui lui avait permis de retrouver la sérénité, auprès d'une complicité inattendue, de ce sentiment étrange d'être comprise et de partager les mêmes attentes. Une présence qui lui manque déjà, d'ailleurs, mais dont elle sait qu'elle la retrouvera à son retour, dans quelques jours.

Aliénor rouvrit la main sur le galet, et d'un geste vif et précis du poignet, le lança sur l'eau. Pervenches qui suivent les ricochets dessinant sur l'onde des cercles allant s'élargissant, et un rire gai qui s'élève lorsque le caillou atteint l'autre rive. Une fois de plus, il s'était posé. Elle s'était posée...

La blondinette reprit le chemin qui lui avait été indiqué, tournant légèrement le dos à la rivière, protégée du soleil vif de ce début juin par le feuillage épais des arbres. Elle flânait, laissant ses yeux s'imprégner de la nature colorée, respirant à pleins poumons l'odeur mêlée de l'herbe fraîche et de l'eau non loin, et s'arrêta une nouvelle fois pour cueillir quelques fleurs bleues dont elle huma le parfum.

Quelques pas encore, avant que son regard ne soit attiré par le tableau qui s'offrait à sa vue. De trois quart dos par rapport à elle, une jeune femme brune était assise sur une couverture, un nouveau né sur les genoux. Un arrêt à nouveau, alors que son coeur fait un bond dans la poitrine et que ses doigts serrent machinalement les fleurs dans sa main. Car malgré les années, malgré la distance où elle se trouve encore, malgré le fait qu'elle ne la distingue pas bien, la blondinette n'a pas de doutes, elle la reconnait. Peut-être en s'approchant verra t'elle qu'elle a un peu changé, mais là, maintenant, elle est telle que dans son souvenir.

Et pour l'instant, la petite blonde ne bouge pas, elle ne veut pas bouger. Elle porte simplement sa main libre au médaillon qui pend à son cou, rose et chardon entrelacés. Ce n'est pas de l'appréhension pourtant. Juste une hésitation à troubler, par sa présence, la mère et l'enfant.

Ysa a écrit:
Perdue dans sa contemplation, Ysa n'avait pas vu ni entendu Alienor arriver. La jeune fille était arrivée à pas de loup sans doute hésitante et était restée en retrait, loin du regard de sa marraine qui se mit à parler à son fils à voix basse ... Sans doute la peur d'être entendue par les oiseaux virevoltants non loin et gazouillant dans une jolie mélodie se mélangeant au clapotis de l'eau et aux bruits des feuilles frémissant sous une douce brise.

Adrian ... De Lucas ... Te voilà petit Duc ... Contrairement à elle, ses fils étaient nés nobles et auraient donc la lourde charge du vivre noblement qu'elle n'avait point connu enfant. Malgré un père assez droit, elle avait pu profiter d'une enfance insouciante et heureuse, loin des tracas et tumultes de la politique et de la capitale. Anthonin et Adrian devraient apprendre très tôt, les us et coutumes de la Noblesse ... le maniement des armes, des lettres, des mots ... Chaque parole pouvait avoir une incidence, chaque geste pouvait être mal interprété et jamais jusqu'à son anoblissement la Duchesse n'avait fait attention à tout cela, eux le devraient.

Une fois Vicomtesse, elle avait du tourner au moins sept fois sa langue dans sa bouche avant de ne parler .... et encore aujourd'hui il y avait de beau raté ... Et le vouvoiement qu'elle avait en horreur, était chose commune pour ne pas dire obligatoire, le tutoiement étant à proscrire. Pourtant elle avait fait le choix de demander le tutoiement à la quasi totalité des membres de la mesnie. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en entendant vous, elle avait l'impression que l'on s'adressait à ses ayeux ... et prendre vingt ans en un mot, ce n'était décidément pas pour lui plaire.

Et ses fils ? Devraient ils l'appeler mère et la vouvoyer ? Un frisson lui parcourut l'échine à cette pensée. Oui c'était la norme, mais avait elle déjà été dans la norme ? Peut être une ou deux fois .... Elle éduquerait donc ses enfants comme bon lui semblerait et ce ne serait sans doute pas Amory qui serait contre. Le vivre noblement l'agaçant au plus haut point ... surtout quand elle l'obligeait à porter cette si jolie chemise à collerette qui lui allait si bien. Un sourire se dessina sur les lèvres de la brunette qui redressa le menton et quitta des yeux son fils pour regarder l'eau courant sur les cailloux.


Je me demande ce que peut bien faire ton frère ...
Une bêtise encore ... c'était elle retenue de dire.

Alienor Vastel a écrit:
[Entre forêt et rivière]

"All that I need is
A second of silence
A moment of grace
A breath of clean air
In a wide open place
With a blue horizon sliding into view"
Kenny Loggins - "A Year's Worth Of Distance"



Le silence, juste troublé par le bruissement du vent dans les feuilles, le chant des oiseaux et le doux clapotis de la rivière. Ysa ne l'avait pas vue, les yeux portés sur son fils, et Aliénor ne bougea pas, s'imprégnant du moment. Un peu gênée aussi, sentiment d'être indiscrète.

Elle hésitait à rebrousser chemin, à attendre dans le château que sa marraine y revienne, mais finalement elle resta. Après tout, quoi de mieux qu'un endroit aussi tranquille, pour des retrouvailles... Loin de l'agitation et du bruit, juste dérangées par le bruit de la nature.

Elle ne bougeait toujours pas, se demandant comment elle allait s'adresser à elle. Dans ses missives, elle avait usé des règles de l'étiquette, et l'avait vouvoyée. Elle usait naturellement du voussoiement, avec nombre de personnes, le jeune seigneur au regard gris en premier d'ailleurs malgré leur relation et leur complicité, le tutoiement ne venait pas spontanément . Reste de son éducation, cela n'empêchait nullement la proximité, l'amitié, l'affection.
Mais là, dans ses missives, elle l'avait utilisé comme une distance mise avec elle, qu'elle tutoyait autrefois, une distance qu'elle voulait aujourd'hui supprimer.

Léger sourire au souvenir qui lui vient, une promenade dans le parc de Pomponne, alors que sa mère et elle venaient juste de s'y installer. Sa marraine et son parrain venus la chercher pour une cueillette de champignons, et cette demande, "tu peux nous tutoyer, tu sais". Et le sourire qui s'efface. Son parrain... encore un être cher trop tôt disparu. Qui restait-il de ceux qu'elle avait connus ici, enfant ? Très peu finalement... Une seule. Elle, qui était là, assise si proche, et si lointaine à la fois perdue qu'elle était dans la contemplation et le partage avec son enfant. Ysa.

Le regard de la jeune femme se tourna vers l'eau pure, et Aliénor à son tour y fixa ses pervenches. L'eau qui passe, qui coule éternellement, ne pas attendre pour la traverser. Et ces cailloux, ballottés par le courant, mais qui trouvent parfois un endroit où se poser. Un échange qui avait été le début de beaucoup de choses qui l'apaisaient et la rendaient sereine, qui lui avait fait retrouver l'insouciance qu'une adolescente de son âge n'aurait jamais dû perdre.

La blondinette s'avança de quelques pas, jusqu'à se trouver à portée de vue de sa marraine. Un regard vers l'enfant. Son cousin... Il était si petit, si fragile, il semblait si paisible dans les bras de sa mère. Les mêmes traits du visage qu'Ysa, tout comme elle-même était l'image de sa mère, cette ressemblance qui l'avait faite reconnaître de certains qui avaient connus la dame de Pomponne. Qui Ysa verrait-elle en elle d'ailleurs quand elle porterait pour la première fois ses yeux sur l'adolescente, le fantôme de sa cousine défunte, ou Aliénor, sa filleule ?

L'enfant était si brun aussi, si différent du blond Anthonin qu'elle avait croisé juste avant son départ de Compiègne. Il n'avait alors pas su qui elle était, mais elle... elle se souvenait encore d'avoir blêmi, d'avoir eu le souffle court comme si on lui avait asséné un coup dans le ventre. Parce qu'à le rencontrer, elle avait aussi pris conscience qu'ils étaient du même sang, et que sa famille était là, si près...

Cela n'avait pas changé sa décision de partir, elle en avait eu besoin, elle n'arrivait pas encore à vivre comme elle le voulait. Mais elle avait su alors qu'elle viendrait, un jour, lorsqu'elle serait prête.

Et les pervenches se relevèrent de leur contemplation de l'enfant pour croiser le regard de sa marraine, les lèvres s'ornèrent d'un léger et doux sourire.


Il te ressemble...

Ysa a écrit:
Sereine comme elle ne l'avait pas été depuis de si longues années. L'insouciance était loin et elle ne la retrouverait à présent jamais, mais cette sensation de calme, de bonheur à l'état pur elle espérait que cela durerait encore et toujours, sans qu'aucune ombre ne vienne tâcher ce tableau qu'elle avait eu tant de mal à peindre.

Une présence, sensation étrange mais aucunement de peur plutôt une joie, le coeur qui palpite ... la tête qui se relève doucement pour apercevoir celle qu'elle n'espérait plus. Elle eut quelques secondes pour observer sa filleule qui avait le regard posait sur son cousin. Elle ressemblait à sa mère mais avait un petit quelque chose de différent, un côté espiègle que Mag n'avait pas.

Leur regard se croisa alors et Alienor lui sourit doucement. Le coeur de la duchesse s'étreignit. C'était presque la seule famille qu'il lui restait, s'en rendait elle seulement compte ? La jeune fille s'était elle rendue compte de la peine qu'avait eu sa marraine en apprenant sa présence en Champagne sans même prévenir Ysa de son arrivée ... Ysa qui la pensait en Languedoc auprès de son autre famille avait eu un choc lorsque'Amory lui avait parlé de leur rencontre en taverne. C'était alors Kevin qui avait fait l'objet des foudres de la Duchesse.

Le souffle presque coupé, la brunette ne put qu'articuler ...
Comme tu ressembles à ta mère. Sourire imprégné de joie, de bonheur, de soulagement également mais aussi d'un brin de nostalgie. Chelles .... Pomponne ... La rose et le chardon ... le PRC ... chemise rose, mairie rose. Une multitude d'images passèrent devant les yeux d'Ysa tout en ne perdant pas de vue Alienor qui avait hérité de la douceur des traits de sa mère.

Elle avait tellement à lui dire, tellement de questions à lui poser, tellement de choses à lui faire comprendre ...
Viens donc t'assoir près de moi. La brunette se recula un peu afin de laisser une place à sa filleule, puis tourna Adrian de manière à ce qu'Alienor puisse mieux le voir.

Alienor Vastel a écrit:
[Au bord de l'eau]

"Comme un printemps qui commence
Comme un hiver qui finit
Faire à nouveau connaissance"
D. Tell - "Faire à nouveau connaissance"



Qu'avait-elle espéré lire dans ce premier regard échangé, la petite blonde ? De la colère, de la tristesse, de la surprise ?... Elle ne le savait pas à l'avance, mais ce qu'elle lut dans celui d'Ysa fit battre son coeur, et son sourire s'élargit.

Hochement de tête aux première paroles de sa marraine, oui Aliénor ressemblait à sa mère, et elle le savait. Hormis la couleur des yeux qu'elle tenait de son père, ce qu'elle se chargeait de signaler à ceux qui l'avaient ainsi reconnue mais qu'elle ne fit pas ici ; Ysa avait si bien connu ses parents qu'elle devait déjà l'avoir remarqué, et puis quelle importance au fond. Sourire amusé en songeant que ces mots étaient le reflet de ce qu'elle venait de dire juste avant concernant son fils qu'elle portait dans ses bras.

Aliénor s'avança de quelques pas, et s'assit à ses côtés faisant suite à son invitation. Pervenches à nouveau tournées vers l'enfant. Hésitant à tendre la main pour caresser du bout des doigts sa joue si douce, mais elle se ravisa, ne voulant pas par ce geste troubler la quiétude qui se lisait sur le visage de l'endormi.

Avant de lever à nouveau son regard et de le plonger dans celui qui lui faisait face. Son visage se fit plus grave alors que le silence s'installait, silence qu'elle rompit enfin.


Je suis désolée... Un silence à nouveau, avant de continuer Je suis désolée de ne pas t'avoir écrit quand je suis revenue en Champagne, de t'avoir fait de la peine. Les raisons, tu les connais, je m'en suis expliquée dans ma lettre. Qu'elles aient été fausses, que je me sois trompée, ce qui est fait est fait maintenant, on ne peut plus revenir en arrière.
J'étais tellement en colère, tellement perdue aussi... Oh bien sûr, je n'ai manqué de rien, là-bas...
Là-bas... ce Languedoc où elle avait passé ces années qui séparaient la mort de ses parents et son retour en Champagne Matériellement du moins, j'avais tout ce que je voulais, une vie aisée, une bonne éducation... Mais il me manquait l'essentiel... la présence et l'amour de ceux que j'aimais... comprendre pourquoi ils m'avaient abandonnée, pourquoi j'avais ainsi tout perdu du jour au lendemain, pourquoi j'avais été éloignée de ce qui faisait alors ma vie...

Un silence à nouveau, les pervenches se tournent un instant vers l'eau avant de revenir sur Ysa. Je ne me cherche pas d'excuses, mais je le regrette...

Regard qui se pose à nouveau l'enfant en même temps qu'un sourire revient sur ses lèvres.

Je ne sais même pas comment s'appelle mon petit cousin...

Ysa a écrit:
Enfin réunies, le peu de famille qu'avait Ysa était là devant elle. Tout bien considéré ce n'était pas tout à fait le cas, il ne fallait pas oublier le vieil oncle grincheux qui réapparaissait une fois par an et qui lui manquait aussi énormément. Un jour peut être se déciderait il à revenir définitivement et à prendre soin des siens.

Là elle pouvait profiter de sa filleule ... finalement pourrait elle dire. La revoir était une joie mêlée d'une certaine nostalgie des moments complices partagés avec sa mère qui les avait quittés bien trop tôt. LA diablesse aurait tant aimé que Mag soit encore là aujourd'hui, pour passer des soirées à refaire la Champagne et le Royaume, pour discutailler potin, noblesse ... hérauderie également. La Dame de Pompone aimait cela, les blasons ... l'histoire des fiefs ... la recherche des seigneuries ... D'ailleurs Ysa s'était découverte le même goût mais sur le tard et elle manquait bien trop de temps pour se pencher sérieusement sur l'histoire de Jouarre à son grand regret. Elle savait qu'il y avait pourtant beaucoup à découvrir.

Tout comme dans le petit bout de femme qu'elle avait face à elle, il y avait d'ailleurs encore bien plus à entrevoir.

Sourire radieux qui se figea sur le visage de la Duchesse qui avait écouté avec attention et tendresse le discours d'Alienor qui lui paraissait déjà bien mature. Trop peut être, la vie était ainsi parfois ... injuste et incompréhensible. Les bons partaient toujours avant, pourquoi ? Voilà une question que se posait la brunette depuis des années, petite déjà elle le demander à son père qui, était c'était là une exception, n'avait jamais su lui donner de réponse.

Ysa ne répondit que deux mots à sa filleule ...
Je sais ... Signe qu'elle savait que sa filleule n'avait pas agit ainsi volontairement. Inutile d'insister sur ce passé dont l'une comme l'autre n'était pas responsable. Puis ce sentiment d'abandon, la maitresse des lieux ne le connaissait que trop bien. Elle avait toutefois eu la chance d'avoir un père à ses côtés tout du moins un peu plus longtemps qu'Ali qui du jour au lendemain s'était retrouvée orpheline, sans père ni mère, un choc brutal et violent dont il devait être plus que difficile de se remettre, si toutefois on pouvait s'en remettre un jour.

Il se prénomme Adrian. Il est né le 26 avril dernier ... Un petit ange très calme contrairement à son ainé. Puis s'en pouvoir se retenir, presque comme une mère le ferait pour son enfant, Ysa tenta de rassurer la jeune fille qu'elle avait face à elle.

Je ... Alors comment tourner cela. Elle avait une grande bouche la Duchesse, elle qui savait toujours quoi dire et avait toujours su dire ce qu'elle pensait dès lors que cela touchait à la politique, à l'économie, à la communication ... quasiment tout en fait. Se retrouvait toujours dans l'embarras dès que c'était personnelle. Elle avait toujours eu du mal à exprimer ses sentiments et cela n'avait absolument pas changé, bien au contraire. Je serais toujours là pour toi Alienor. Elle aurait aimé la serrer contre elle, mais Alienor était devenue une jeune fille à présent, elle était bien loin la petite fille qui se promenait en forêt avec son parrain et sa marraine à la découverte des champignons, ce qui n'était pas facile à accepter pour la jeune mère.

Cherchant à détourner l'attention, Ysa changea de sujet. Mais tu vis où dis moi ? Et que fais tu d'ailleurs ? Si tu ... Elle s'arrêta net, noyer sa filleule sous un flot de question n'était pas non plus la bonne solution.

Alienor Vastel a écrit:
["Parle-moi de toi"]

"Parle-moi, parle-moi de toi
Qu’est-ce tu veux, qui tu es
Où tu vas
Parle-moi, parle-moi de toi"
J.L. Aubert - "Parle-moi"



Je sais ...

Oui elle le savait, et Aliénor le savait aussi, après tout elle s'en étaient expliquées par missives. Mais, même si l'on dit que verba volent, scripta manent, que la parole s'envole alors que les écrits restent, il manquait néanmoins aux mots couchés un avantage indéniable qu'ont ceux qui sont prononcés : le ton de la voix quand on les dit, et le regard qui accompagne et qui ne peut mentir. Cette franchise, cette sincérité qu'elle venait de mettre dans son petit discours.

Un sourire heureux pour faire écho à celui d'Ysa, avant de reporter à nouveau ses pervenches vers l'enfant dont elle connaît enfin le prénom. Adrian... Et un rapide calcul dans sa tête, il a donc un peu plus d'un mois. A peu de choses près l'âge de son propre frère lors de la mort de leurs parents, lorsqu'ils avaient dû prendre la route, quittant Pomponne pour Montpellier.

Regard pensif qui se porte un instant sur la rivière avant de revenir vers la jeune femme, et de hocher la tête quand elle l'assure qu'elle sera toujours là pour elle. Oui, ça aussi elle le savait maintenant, parce qu'il y a ce lien du sang, parce qu'il y a aussi ce lien aristotélicien, parce qu'il y avait cette profonde amitié avec sa mère, et cette tendresse pour l'enfant qu'elle était alors.
Et surtout parce qu'il y avait eu cette réponse à sa première missive. Qu'elle y avait lu des reproches, bien sûr, mais l'espoir de cette rencontre qui se faisait aujourd'hui. Et que surtout, le simple fait d'y avoir répondu à coeur ouvert était la preuve d'un attachement qui avait perduré malgré l'absence. Car le contenu de cette lettre était tout sauf une marque d'indifférence.
Alors elle lui répond, les mêmes mots que sa marraine a prononcés juste auparavant


Je sais, Ysa... Ysa... première fois qu'elle l'appelle par son prénom depuis si longtemps. Depuis que l'enfant a quitté la Champagne pour y revenir adolescente. Pour revenir sur les traces de son passé, mais aussi pouvoir enfin vivre le présent sereinement. Vivre pour elle, et non plus dans le souvenir de ces fantômes qui l'ont hantée si longtemps.
Je le sais, mais je ne te demande rien. Il faut que je vive par moi-même. "Elle" a toujours voulu me protéger "Elle", sa mère, qui l'avait toujours tenue à l'écart, même si la fillette curieuse voyait et comprenait beaucoup de choses c'est aussi pour ça qu'elle m'a éloignée chez sa soeur à sa mort. C'est aussi pour ça que je n'ai découvert sa lettre qu'il y a peu, longtemps après qu'elle soit partie. Mais c'était une erreur, ce n'est pas en fermant les yeux que l'on peut voir les obstacles sur sa route. Et encore moins les éviter, ou au moins tenter d'en être le moins affecté possible. Alors il me faut les yeux grands ouverts, et ça, il n'y a que moi qui puisse le faire.

Un sourire, espérant qu'Ysa comprendrait, que ce n'était pas une manière de s'éloigner à nouveau, un refus d'une main tendue, mais que l'adolescente voulait, qu'elle devait assumer pleinement la vie qu'elle s'était choisie.

Et les pervenches se perdent à nouveau vers l'eau lorsque la jeune femme lui demande de lui parler d'elle. Que lui dire, que lui taire...


Et bien... comme tu dois le savoir, j'ai quitté Compiègne pour Troyes. Il y avait trop de souvenirs, je n'arrivais plus à habiter la chaumière de mes parents sans être hantée par les fantômes de ceux que j'ai connus et qui ne sont plus. J'ai un temps fait partie de la GM d'Armantia, mais n'y suis pas restée longtemps, un... léger "différend" avec le Vicomte. Un petit rire Je suis donc libre de toute attache du moins sur ce plan-là...
Je suis donc Courrier à Troyes, tout comme je l'étais à Compiègne durant la période où j'y ai résidé. J'ai été tribun aussi, le temps du mandat du Duc de Sedan, mais j'ai laissé ma place à plus motivé que moi. Je ne regrette pas cette expérience, mais cela n'était pas fait pour moi. Et je m'y suis fait des amis, de mon âge ou presque.
Un sourire pensif qui devient espiègle en pensant aux bêtises qu'elles font, Coline, Lanna et elle, lorsqu'elles sont réunies, même si cela n'arrive que trop peu souvent au goût de la blondinette. Leur rencontre, leur légèreté quand elles sont ensemble, une des raisons du retour de cette insouciance qu'elle avait perdue ce 5 juillet quelques années auparavant. Une parmi d'autres...

Une petite pause en même temps qu'elle tourne le visage et plonge ses pervenches dans les noisettes, que rajouter encore...
Sinon, j'ai aussi posé ma candidature pour être poursuivante de la Marche de Champagne, le questionnaire a été rendu, j'attend maintenant de savoir si je l'ai réussi. L'héraldique... ce n'était pas un moyen de marcher dans les traces de sa mère, tout comme l'on aurait pu penser que postuler pour être Courrier l'était pour imiter les débuts de son père. Non, seulement une passion, plonger dans des ouvrages pour faire des recherches, ou encore mêler les pigments pour dessiner des blasons. Elle n'était pas très manuelle, la blondinette, mais son coup de pinceau n'était pas à rougir, même si elle avait encore des progrès à faire. Et justement, si elle était choisie, elle pourrait continuer à apprendre, et ça lui plaisait bien.
Et je vais bientôt quitter la Champagne, pas définitivement, il y a dans cette terre quelque chose qui m'y fait toujours revenir, mais j'ai envie de voyager, de voir d'autres lieux, rencontrer d'autres personnes...

Rencontrer d'autres personnes... Sa vie avait déjà été riche en rencontres, agréables dans leur grande majorité. Mais celà ne suffisait pas à Aliénor, peut-être était-ce d'avoir manqué d'entourage durant un temps, d'avoir ressenti violemment la solitude, qui maintenant faisait que ce besoin de voir du monde s'exprimait. Et puis elle ne voyagerait pas seule...
Un petit rire avant de conclure
Voila, tu sais tout !

Tout ? Non, simplement ce qu'elle voulait bien lui dire. Pour ne pas l'inquiéter, pour ne pas la peiner à nouveau le cas échéant. Ou alors pour ne pas lire la désapprobation dans son regard quand à certaines choses qu'elle avait faite, et pour lesquelles le regret qu'elle en avait elle-même lui suffisait amplement. Ou simplement parce que, comme toute adolescente, elle avait besoin de son jardin secret...

Et toi ?J'ai bien croisé ton... mari... Qu'il était étrange de prononcer ce mot en l'attribuant à un autre que son parrain, à Golitor qu'elle aimait tant à embêter avant de plonger son nez dans son cou, indifférente à sa barbe qui chatouillait son visage d'enfant. Mais le temps poursuit sa course, inexorablement, et d'autres remplacent ceux qui partent, ainsi va la vie ... et Anthonin, mais que s'est-il passé durant toutes ces années ?

Ysa a écrit:
Toutes deux assises, elles contemplaient tour à tour l’eau, le vent, la forêt et Adrian qui ne disait rien enfin presque. Il gazouillait en réponse au chant du rossignol et jouait à faire glisser ses mains dans les cheveux noirs et ondulés de sa mère qui pour une fois les avait laissés libre. A force de les tirer en chignon elle avait la sensation d’avoir la peau du visage tendu en permanence et son cuir chevelu avait de plus en plus de mal à tolérer les dizaines d’aiguilles nécessaires aux coiffes qu’il était impensable de ne point porter en société.

Elle se sentait bien ainsi la brunette et écouta avec grande attention les paroles de sa filleule qui était bien sûre d’elle pour son si jeune âge. Enfin jeune, tout était relatif et tout dépend de quel côté l’on se trouvait. Si les calculs d’Ysa était juste, Alienor devait avoir 14 ou 15 ans … plutôt 15 d’ailleurs mais un léger doute subsistait. Et en songeant à cela Ysa prit un coup de vieux … d’un coup d’un seul. D’ailleurs la stupeur du presque se lire sur son visage qui se radoucit aussitôt … 15 ans … Que le temps passait vite … A présent, la diablesse était elle aussi mère et devenir mère c’était un bouleversement auquel on ne s’attendait point.


Je comprends aujourd’hui ce qu’a pu ressentir ta mère, le pourquoi elle a tant cherché à te protéger. Même si certaines de ces décisions me dépassent je ne veux pas la juger et toi non plus. Il faut que tu fasses ta vie, que tu apprennes par toi-même. Tu chuteras … On a tous chuté à un moment ou à un autre de notre vie. Et je serais là si tu le souhaites pour t’aider à te redresser.

La Duchesse ne s’attarda pas sur l’épisode Armantia même si elle aurait adorésavoir ce que cet individu qu’elle ne haïssait pas mais préférait ignorer, avait bien pu faire ou dire à Alienor. Tout du moins qu’était donc ce différend ? Mais non … elle ravalerait sa curiosité et se mordit donc la langue avant de reprendre la parole.

Courrier dis tu ? C’est un des postes les plus complets selon moi. Il faut avoir un œil sur tout … partout … Une oreille des plus attentives et je ne saurais dire pourquoi mais je suis certaine que tu es parfaite dans ce rôle. Sourire amusée de la maitresse des lieux qui se revoyait à ses débuts et nouvelle stupeur … que c’était loin.

Et toi ?J'ai bien croisé ton... mari ... et Anthonin, mais que s'est-il passé durant toutes ces années ?

Toutes ces années … il s’en était passé des choses bonnes ou mauvaises, heureuses ou malheureuses, sincère parfois … surprenante aussi … Enfin … La jeune fille avait presque hésité sur le mot mari. Elle devait être une de ces rares personnes à se souvenir de Golitor et avait du garder un souvenir quasi intact ou presque de son parrain.

A cette pensée, la Duchesse eut cette sensation d’abandon qu’elle avait eu suite à la disparition de son premier époux. Elle n’avait jamais su et ne saurait jamais le pourquoi, le comment … Ils n’avaient même pas fini de célébrer leur mariage. Le pépé avait disparu laissant la Diablesse seule face aux loups d’un conseil enragé et d’une Champagne sans dessus dessous. Plus jamais elle ne souhaitait ressentir cela et à y penser n’était ce pas ce qu’Alienor avait pu ressentir au décès de sa mère ?

Soudain on se retrouve seul face à tous, face à tout ce qui nous entoure. Crier sa rage, sa douleur, son incompréhension est inutile … En parler ? A qui ? Et quoi dire ? Que c’est injuste ? La vie est injuste, Ysa l’avait appris à de nombreuses reprises à ses dépends. Sa mère avait disparu alors qu’elle la mettait au monde. Qui avait il de plus cruel ? Son père avait du l’élever seul … Mais malgré cela, elle trouvait qu’il ne s’en était pas si mal sorti et espérait qu’il était fier d’elle là où il était. En tout cas, elle ... était fier de lui.


De longues années … Goli a disparu juste après notre mariage …
Voilà tout ce qu’elle avait le courage de lui dire. Puis elle n’en savait pas plus de toute façon. Ta mère était à mes côtés lors de mon premier mandat de Duchesse. Heureusement d’ailleurs … sans elle je ne sais ce que j’aurais fait. Après ces deux mois, Ysa avait pris le large loin du conseil, loin de la politique pour se retrouver dans un charmant village où elle avait fait une rencontre qui avait changé sa vie. Le visage d'Ysa changea du tout au tout et s'illumina. Elle se revoyait encore sous cette tonnelle ...

Ensuite … Amory … mon époux … est arrivé dans ma vie. Il s’agit du cousin de Coleen qui était aussi à mes côtés lors de ce mandat. Je ne sais si tu l’as connu. Un grand homme qui aujourd’hui s’est retiré loin de la politique et de tous … Le regret se sentit cette fois ci dans la voix. Chouchou ... il l'appelait Duduche nunuche ... elle l'appelait Chouchou et il lui manquait son chouchou farceur. Le marquis était encore là pour le rappeler à la brunette.

Retracé ainsi les presque dix dernières années n’était pas chose aisée, au contraire. Surtout quand autant de personnes aimées avaient disparu. Les yeux de la brunette se tintèrent d’un voile de tristesse qu’elle tenta d’effacer en regardant Adrian qui s’était endormi dans ses bras. A la vue de cette douce frimousse un léger sourire se dessina sur le visage attristé de sa mère.


Et Anthonin … mon petit ange. Il a changé ma vie …
Le premier enfant avait toujours un petit truc en plus, même si on aimait tout autant ceux qui suivent, l’arrivée du premier restait un moment unique qui chamboulait tout … D’un point de vue moins personnel, j’ai effectué un second mandat de Duchesse. Tu devais t’en douter d'ailleurs. Tu t’intéresses à l’hérauderie et doit donc savoir qu’un Duché ne s’obtient que suite à deux mandats de Régnant. Elle regrettait presque d’ailleurs ce deuxième mandat. Il fallait dire qu'elle avait le don pour se mettre dans des situations aussi … Deux mandats … tous les deux suite à une prise de castel. Le second ayant même suivi la mise sous tutelle royale de la Champagne.

Après j’ai choisi de me retirer de la fosse aux lions. Sourire amer. Un jour … enfin non je ne te le souhaite pas … Elle préféra passer à autre chose. Alienor était encore trop jeune pour se confronter à la politique mais bientôt peut être elle en aurait l'envie même si sa marraine préférerait qu'elle ne s'y intéresse pas ou de très loin. Je suis donc devenue Secrétaire d’Etat … courrier de la Champagne en quelque sorte. Puis Chef de Cabinet du Domaine Royal.

Et comment aborder sa seconde famille ? Sa filleule comprendrait elle que sa marraine ait ainsi créé une famille de cœur sans jamais prendre de nouvelle ? Mais la Grande ne pouvait pas passer à côté de ce qui aujourd’hui était une des choses les plus importantes à ses yeux après sa famille.

Il y a aussi Airain … Cette Grande Maison qui est pour moi devenue une famille. Tu as déjà du en rencontrer quelques uns durant ton séjour à Compiègne. Légolas … Chpiot … Baztan … et j’en passe. Inutile de citer Kevin, toutes deux savaient ce qu’il en était. La gestion de cette mesnie me prend la majeure partie de mon temps ... Tu ne t'imagines pas toutes les idées que peuvent avoir les airainois ... Et mieux ne valait pas insister sur ce point. Voilà tu sais tout ...

Alienor Vastel a écrit:
[Paroles et confidences]

"Avance et suis ta route
Eloigne de toi les doutes
Ne regarde pas en arrière
Tu peux franchir toutes les barrières
Sois fort et sûr de toi
La foi guide tes pas"
Soumia - "Avancer"



Ni le clapotis de l'eau, ni le babillage d'Adrian ne détournaient Aliénor de son écoute attentive. Le visage tourné vers Ysa, l'adolescente prêtait l'oreille à ses paroles, son visage exprimant l'attention qu'elle lui portait.

Un hochement de la tête, oui, il fallait qu'elle fasse sa vie, qu'elle subisse des épreuves et apprenne à s'en sortir. Sa marraine parlait de chuter, et de se relever, c'était une autre image qui dansait devant les yeux de la blondinette, celle de ces cailloux qui avait volé et rebondi sur une petite rivière dans la forêt de Troyes. Un léger sourire à la pensée de celui qui avait partagé ce moment, le début d'une complicité inattendue et qui lui permettait maintenant de vivre sereinement. De vivre tout simplement...

Et un sourire à l'évocation de sa fonction de Courrier, une petite lueur de fierté qui brille dans son regard.


J'aime ça en tout cas, ça permet de s'impliquer à deux niveaux, pour son village, et aussi pour le Duché, et d'essayer d'agir au mieux des deux côtés. Je fais de mon mieux pour y être efficace, bien que je sache que je ne pourrai plus tellement officier une fois que j'aurai quitté Troyes. Je le regrette, mais pour rien au monde je n'abandonnerai cette envie de voyager

Les pervenches s'obscurcirent un instant lorsqu'Ysa évoqua son parrain, puis le premier mandat. Aliénor se souvenait encore de cette époque, c'était "avant". Souvenir commun d'êtres aimés, maintenant disparus mais encore tellement présents dans les mémoires. Et dans les coeurs. Un époux et parrain, une mère et cousine. Qui se souvenait d'eux maintenant, des instants de rire, de bonheur partagés mais aussi des moment de tristesse ?
Un sourire nostalgique s'afficha sur les lèvres d'Aliénor, qu'il était bon d'en parler. Même le jeune seigneur qui avait connu sa mère et l'avait évoquée ne gardait en mémoire que la présidente du CDF, gaie et enjouée, alors que sa fille finalement ne se remémorait que la femme triste et résignée. Deux facettes, si complémentaires, pour reformer le puzzle éparpillé à la mort de la dame de Pomponne.

Un froncement de sourcils à l'évocation de Coleen, la blondinette s'en souvenait vaguement. Ancien chellois, présent avec son épouse lors de la cérémonie qui avait fait de Magdeleine d'Assas la vassale de Tomsz. Ainsi donc l'époux d'Ysa était son cousin, Aliénor resituait ainsi la famille de sa marraine.
Et un léger sourire en sentant l'hésitation de la jeune femme à parler de la politique.


Lorsque je suis revenue en Champagne, j'avais l'intention de m'intéresser aux affaires publiques. Une mairie, un poste de conseiller ducal peut-être. D'ailleurs, sachant qui j'étais, j'ai rapidement été sollicitée pour faire partie d'une liste, puis à nouveau lors de l'élection suivante. Et puis... Un instant de silence, une grande inspiration. Peut-être qu'Ysa ignorait ce qu'elle allait lui dire, après tout sa mère était tellement secrète. Mais l'adolescente se devait d'être franche, de lui dire ce qu'elle avait sur le coeur. ...en lisant le journal de ma mère, j'ai découvert à quel point elle avait été éprouvée lors de ton premier mandat. Nombre de fois elle se rendait au Castel à contre-coeur, nombre de fois elle avait souhaité démissionner, mais elle ne l'a jamais fait, pour toi. Parce qu'elle pensait que sa présence à tes côtés te permettrait de donner le meilleur de toi-même. La jeune fille replia ses jambes, les ramenant vers elle et les encerclant de ses bras. Regard dans le vide, et la voix qui se baisse inconsciemment Elle a toujours pensé que sa raison d'être était là, un soutien dans l'ombre pour ceux qu'elle aimait. C'était ce qui lui permettait de vivre... de survivre après ce qui s'était passé à Orléans... la perte du bébé, la félure de son couple. Un petit rire triste Ca aussi je l'ai appris dans son journal...

Pervenches qui plongent à nouveau dans les noisettes Mais je ne ferai pas comme elle, je ne m'effacerai pas au profit des autres, la vie m'a appris à être égoïste. Et je ferai passer mes désirs avant tout ! Aussi... la politique n'est pas pour moi, j'ai d'autres envies.

Ysa continuait de répondre à la question première de sa filleule dont le regard se voila à nouveau. Une Grande Maison... pensées qui s'envolent vers Chelles, moments de bonheur et de gaieté. De ces petits déjeuners informels dans la cuisine ou de ces fêtes improvisées. Une grande famille, dans laquelle le coeur créait des liens bien plus forts et profonds que ceux du sang.
Un hochement de tête, elle comprenait. Elle comprenait aussi que sa place n'était pas là, et que malgré les sentiments qu'elle pouvait avoir pour sa marraine, ses proches seraient ceux qu'elle se choisirait.


Je sais tout, oui... Une pause avant de reprendre Ysa... tu m'as dit tout à l'heure que tu ne me jugerais pas, et c'est important pour moi. La mort de mes parents, la perte de mon rang, m'ont montré que tout peut brutalement disparaître, et je compte bien profiter de ce que le présent m'offre, même si cela peut impliquer des décisions qui pourraient peut-être paraître hâtives. Ma mère a trop longtemps attendu ce qui n'est jamais venu, la présence de son époux, une famille réunie, elle en a été tellement malheureuse, une des raisons pour laquelle elle a accepté de suivre Tomsz, sachant pertinemment quelle risquait d'en être l'issue.
Je ne veux pas être comme elle, j'avance au gré de mes envies, et je pense d'abord à moi. Et je veux que tu saches que, quels que soient les choix que je puisse faire, la vie que je décide de mener, ce ne sera jamais contre toi, mais pour moi.


Bras qui se dénouent, jambes qui s'allongent et un regard attendri vers Adrien avant de revenir vers Ysa.

Je vais te laisser... vous laisser... J'ai été heureuse de te revoir, de pouvoir parler avec toi, t'expliquer.... Une dernière chose à faire, une promesse, et elle prendrait congé sauf si Ysa avait encore des choses à lui dire. On m'attend à Chaumont, pour assister aux joutes qui vont s'y dérouler d'ici quelques jours. Un béarnais mais aussi seigneur champenois que tu connais, je crois, Aimelin. Nous nous sommes rencontrés par hasard il y a environ 3 mois à Vincennes, où il joutait, ma ressemblance avec ma mère l'avait frappé. Il est en Champagne actuellement, a envie de voyager, moi aussi, nous allons donc mener nos pas ensemble où le vent le voudra. Un sourire avant d'ajouter Il savait que je venais te voir, il te passe le bonjour d'ailleurs.
Voila, ça aussi c'était fait.


Dernière édition par Aliénor le Ven 16 Sep - 15:57, édité 1 fois
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