Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
-50%
Le deal à ne pas rater :
-50% Baskets Nike Air Huarache Runner
69.99 € 139.99 €
Voir le deal

 

 1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]

Aller en bas 
AuteurMessage
Aliénor
Admin
Aliénor


Messages : 2194
Date d'inscription : 02/03/2011

1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  Empty
MessageSujet: 1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]    1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  Icon_minitimeMar 25 Juin - 19:20

Celeste a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  Calest10
[Le début de l'histoire ne se situe pas en Bourgogne, mais dès que les personnages seront arrivés dans le duché et si un joueur souhaite participer qu'il n'hésite pas à envoyer un message privé. Merci.]

Cette histoire commence loin de cette région, dans un pays bien plus en relief, en plein milieu de l'été, un été étouffant qui assommait les habitants d'une petite maison perchée.

Dans ces conditions de haute chaleur, la meilleure chose à faire était encore de dormir. Activité qui convenait très bien à une petite fille née il y a environ cinq ans, activité qu'elle pratiquait tous les après-midis dans un coin de la maison, non loin de sa grande soeur, Algonde. Cette dernière continuait vaillamment à s'agiter, peu importait la température écrasante. Céleste aurait pu dormir comme son père, dans la grange mais elle voulait savoir Algonde près d'elle. Elle avait besoin d'entendre ses pas et le bruit de ses activités qui la rassuraient, la berçaient.

Généralement, après la sieste, Algonde lui donnait une occupation à la hauteur de ses cinq ans pour ne pas l'avoir dans les pattes. Garder la chèvre, écosser les pois, ramasser les carottes, les pommes etc... Cependant, cet après-midi-là, Céleste s'était levée avec une obsession. Algonde lui trouva une corbeille de paille et toute ravie, Céleste sortit en trottinant. Elle s'arrêta un instant pour contempler le paysage. Elle tendit ses bras, la corbeille dans sa main gauche et agita ses bras à la manière des oiseaux pour ensuite dévaler la colline à toute vitesse.

Quelques minutes suffirent pour arriver aux deux cerisiers qui se trouvaient sur le chemin menant au village. La blondinette ramassa les fruits à sa portée, en mangea autant qu'elle n'en mit dans son panier oubliant bien vite le conseil qu'Algonde lui avait donné de ne pas trop en manger au risque de s'en rendre malade. Un moment, Céleste se redressa. Ses yeux céruléens se jetèrent de l'autre côté de la route : dans les vignes de leur voisin bien plus riche qu'eux. Si son corps était tout à l'entreprise de ramasser les petits fruits rouges, les pensées de Céleste étaient à cette vigne. Elle eut un petit soupir et essuya son front de droite à gauche. Petit regard à gauche. Petit regard à droite. Personne pour rapporter ce qu'elle allait faire. Elle traversa la route rapidement mais sans négligé d'y aller le plus silencieusement possible. Il ne lui fallut que quelques instants pour couper avec ses dents deux grappes de raisin pour se réfugier aussitôt sous ses cerisiers. Elle cacha les deux grappes dans la corbeille, sous les cerises puis laissa échapper un rire cristallin contente d'avoir réussi à chiper le raisin. Elle se voyait déjà l'offrir à son père qui aimait tellement le raisin !

Un mouvement dans son champ de vision l'interpela. Elle leva la tête pour voir ce qui s'approchait. Elle fronça les yeux, gênée par la lumière du soleil. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître cette chevelure rousse et encore moins de temps pour se précipiter vers la silhouette en criant :


-Tiiiiiiiphainee !!

Tiphaine a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  New_id10

[Sous le soleil exactement]

-Tiiiiiiiphainee !!

Le cri avait retenti jusqu'aux oreilles de la silhouette à la chevelure de feu qui s'avançait sur la route, cri suivi de peu par une petite tornade blonde. Tiphaine -car c'était bien elle, Celeste avait vu juste- eut tout juste le temps de lâcher le maigre baluchon qu'elle portait sur son épaule et de tendre les mains vers sa petite sœur. La prendre dans ses bras et couvrir de baisers la peau douce de l'enfant, en riant.

-Celeste, ma petite sœur !! Tu ne m'attendais pas, hein ?

Car son arrivée était inattendue, imprévue.
Depuis 5 ans, depuis cette journée, où le père l'avait placée chez le curé du village, elle n'habitait plus avec sa famille, ne revenant à la maison familiale que le dimanche avant de s'en retourner au village, à la cure. Elle avait 9 ans alors, et alors que les autres filles de son âge travaillaient aux champs ou à la ferme, elle s'occupait de la cure pour l'homme d'Eglise qui l'avait prise en charge à la mort de sa mère, au grand soulagement du père. Ca faisait une bouche de moins à nourrir, disait-il. Et chez le curé, effectivement, elle était nourrie, logée, blanchie. Le brave curé l'avait élevée comme sa fille (ou plutôt comme sa petite-fille), profitant de sa présence à ses côtés pour tenter de faire entrer dans sa tête quelques rudiments qui pourraient lui être utiles. Tenter était le mot, Tiphaine ayant la fâcheuse habitude de n'écouter que d'une oreille, et il avait fallu toute l'indulgence du vieil homme face à l'indolence de l'adolescente qu'il mettait sur le compte de son jeune âge. Le seul intérêt qu'elle avait trouvé aux leçons quotidiennes qu'il lui donnait résidait en l'apprentissage des lettres et des chiffres, connaissance rare et précieuse pour une petite paysanne, et qui lui donnait un avantage face au père et à ses sœurs.

Mais voila, la vieillesse avait eu raison du vieil homme, qui avait fini par se retirer et laisser la place à un curé plus jeune qui avait jugé inutile de garder la jeune fille à son service. Celle-ci avait donc emballé ses quelques affaires avant de prendre, avec un dernier regard vers la cure où elle venait de passer les plus récentes années de sa vie, le chemin qui la menait vers sa famille.

Mais revenons à nos retrouvailles…

Tiphaine reposa Celeste sur le sol, et jeta un regard gourmand vers le contenu de la corbeille. Tendant la main, elle se saisit d'une cerise et la porta à sa bouche


Hummm, ch'est bon !!!

Un peu de jus coula à la commissure de ses lèvres, qu'elle essuya du revers de la main, avant de se pencher et de reprendre son baluchon.
Elle saisit la main de Celeste, les jades de ses yeux se tournèrent vers la maison qui se devinait en haut du chemin avant de se porter malicieusement vers la fillette.


Tu sais quoi ? Le père Benoît n'a plus besoin de moi, je rentre à la maison !!! On y va ??

Et la petite et la grande se mirent à courir sur le chemin, soulevant une poussière chaude à leur suite.

Algonde a écrit:
Algonde sourit en voyant sa jeune sœur trottiner, guillerette. Céleste était une véritable bénédiction dans cette famille déchirée, le petit rayon de soleil de la jeune fille. Elle ne profita cependant pas de l'absence de la gamine pour se reposer, et poursuivit ses tâches avec la lenteur que la chaleur lui imposait, tout en rêvant à un petit plongeon dans la rivière.

Depuis des années, depuis toujours semblait-il, elle avait en charge la petite maisonnée. Elle aimait s'occuper des siens, mais gardait une infinie rancœur contre sa sœur ainée, qui les avait abandonnées sans un mot, ne se préoccupant que de son propre avenir. Elle ne savait pas ce qu'elle était devenue, et ne souhaitait pas le savoir.

De la colère, elle en avait aussi envers l'outre à vin qui lui avait un jour fait office de père. Elle ne savait pas vraiment comment il était avant, mais ces dernières années, il n'avait pas vraiment aidé, puisant dans les maigres ressources pour s'aviner jusqu'à plus soif.

Algonde soupira, tentant de reprendre son calme. Elle ne voulait pas se montrer ainsi devant sa sœur. La gamine se rendrait compte bien assez vite de la réalité des choses. Autant la protéger un maximum, tant qu’elle le pouvait.

Entendant des bruits de pas se rapprocher, Algonde s’avança à la rencontre de Céleste. Elle s’arrêta voyant que quelqu’un l’accompagnait. Un instant perplexe, elle reconnu ensuite Tiphaine, sa sœur cadette. Les deux filles n’étaient proches que par l’âge, cultivant la différence autant physiquement que par leur caractère.

Elle se précipita à sa rencontre, criant de joie. Elles ne se voyaient de rarement depuis que leur père avait eut la brillante idée de l’envoyer chez le curé.


Tiphaine !! Mais qu’est-ce-que tu fais là ? Tu vas rester longtemps ? Comment vas-tu ?

Sa joie fut de courte durée, et elle se rembrunit en apprenant la retraite du père Benoît. Non pas qu'elle l'aimât particulièrement, mais elle savait qu'il était bon et s'occupait bien de sa sœur. Maintenant, son apprentissage se finissait brusquement. Et surtout, il y aurait une bouche de plus à nourrir.

Elle fût interrompue dans ses pensées par Céleste, tirant sur sa manche en sautillant. La gamine lui présenta, victorieuse, le panier rempli de cerise. Distraitement, elle la félicita et lui indiqua ou le déposer, puis reporta son attention sur Tiphaine.


Et bien Tiphaine, bienvenu chez toi !! Voilà longtemps que tu n’es pas restée ici, mais tu y as toujours ta place. Viens, prends le soin de t’installer. On va tacher de se trouver quelque chose à se mettre sous la dent.

Elles se dirigeaient vers l’intérieur lorsque la porte de la grange s’ouvrit, accompagnée d’une voix bourrue, et un peu rauque :

C’est quoi tout ce raffut ?

Tiphaine a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  New_id10

[Le temps se gâte]

Si Tiphaine avait accordé un peu moins d’importance à son retour, et davantage à l’accueil de son aînée, elle aurait remarqué que la joie de cette dernière s’était rapidement assombrie en apprenant que cette visite impromptue et inattendue risquait fort de s’éterniser. Enfin si, elle s’en était aperçue, mais n’y était pas attardée. Comme à l’accoutumée, ses pensées se tournaient vers le présent immédiat, reléguant au second plan le passé et l’avenir.

L’avenir viendrait suffisamment vite pour qu’elle ne s’en préoccupe pas sur l’instant. Dans le meilleur des cas, et pour les mêmes raisons qui l’avaient fait quitter le foyer familial une fois déjà, elle serait placée à nouveau comme servante, dans une famille noble des environs ou des notables du bourg voisin. S’il s’en trouvait qui l’acceptent, et c’était pas gagné. C’était quand même pas un cadeau, la rouquine, elle ne savait pas faire grand-chose de ses dix doigts ! Mais bon, ça serait au père de s’en occuper, pour elle, elle s’en fichait un peu, ici ou ailleurs…

Pour l’instant, le présent immédiat, c’était sa réinstallation au sein de la maisonnée familiale même si elle serait très probablement temporaire.
Après cinq d’années passées au service du père Benoît, elle se retrouvait soudainement, non en milieu inconnu, fallait pas pousser, mais elle avait considéré la cure comme son chez-elle durant ce temps, et il lui fallait maintenant réapprendre à vivre avec ceux de son sang plus longtemps qu'un jour par semaine.

Si ses relations avec Celeste étaient aisées, au vu du caractère facile de l’enfant, elles étaient plus austères en ce qui concernait son aînée. Une année seulement les séparait, mais Tiphaine était aussi rousse qu’Algonde était blonde, aussi insouciante que sa sœur était responsable. Algonde semblait avoir grandi trop vite sous le poids des charges auxquelles elle avait dû faire face à la mort de leur mère. Ni leur sœur aînée, qui avait quitté (fui ?) la maison à cette époque, ni leur père qui cherchait depuis en vain un réconfort dans l’alcool, ne l’avaient alors épaulée.

L’idée qu’elle allait devenir une charge supplémentaire pour Algonde traversa l’esprit de Tiphaine, mais la rouquine n’eût pas le temps de s’y appesantir, interrompue dans sa pensée par une voix familière.


C’est quoi tout ce raffut ?

Tiphaine s’arrêta, partagée entre la joie de revoir son père, et l’appréhension de lui apprendre la raison de son retour. Elle jeta un regard vers ses sœurs puis s’avança vers l’homme. Un baiser déposé sur la joue de son géniteur, sans remarquer l’haleine avinée qui se dégageait de sa personne, puis un pas de recul, en désignant avec un sourire timide le baluchon posé sur l’épaule de la jeune fille.

Bonjour papa… Je reviens à la maison… Un silence embarrassé, un regard circulaire, histoire de trouver autre chose à dire et surtout, de détourner l’attention. Et Celeste a cueilli des cerises !

Celeste a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  Calest10

Céleste percevait les choses plus qu'elle ne les comprenait mais elle avait déjà pris conscience des avantages que lui donnait son âge et les portes que sa frimousse lui ouvrait dans le coeur de son père. Bonne élève, elle tendit fièrement son panier rempli de sa cueillette en direction de son père et s'exclamant avec coeur :

-Et du raisin ! Rien que pour toi !

Devant l'air triomphant de l'enfant, le visage de l'homme s'adoucit un peu. Assez pour que Algonde décide qu'il était temps de préparer le dîner. Pour Céleste, l'heure de nourrir les lapins était arrivée. Elle se tourna vers Tiphaine :

-J'ai un nouveau petit lapin. Je vais te le montrer. Viens !

Céleste tira la jupe de sa soeur jusqu'à ce qu'elle fasse un pas en direction du clapier. Le lapereau lui avait été confié par son père deux jours plus tôt, ce qui expliquait la fébrilité de la petite fille qui n'avait jamais eu sous sa responsabilité un si jeune lapin. Elle l'avait appelé Augustin, même si son père lui avait expliqué à nouveau qu'il était inutile de le nommer puisque, tôt ou tard, il serait réduit en viande dans leur assiette. Seulement, Céleste s'était éprise de l'animal et pour marquer son affection, lui avait donné le nom du fils du boulanger. Augustin était toujours gentil avec elle. Il lui faisait des sourires, lui tirait les cheveux pour attirer son attention quand il passait près d'elle, lui offrait, parfois, un morceau de pain. Céleste s'était mise à adorer tout d'Augustin, les cheveux ébouriffés d'Augustin, le teint blanchâtre d'Augustin, les yeux noirs d'Augustin, ses vêtements de bonne qualité, ses chaussures de cuir, le petit frère d'Augustin, les deux petites soeurs d'Augustin, la jolie maison de la famille d'Augustin, l'oncle d'Augustin, celui qui fabriquait des outils en fer, le bon pain chaud du père d'Augustin. Tout ce qui se rattachait de près ou de loin à Augustin. Tout. Tout sauf la mère d'Augustin.

Son jeune esprit n'avait pas interprété les enjeux qui s'étaient passés au-dessus de sa tête, un dimanche après la messe. Sa jeune mémoire avait oublié pourquoi elle n'avait plus le droit de prendre le pain mais un souvenir vague accusait la mère d'Augustin. Une phrase avait fâché son père et l'avait plongé dans une profonde et silencieuse réflexion tout le long du chemin du retour. Arrivée à la fermette, après avoir ingurgité un verre, il avait retrouvé le sourire et lui avait dit : « Ce n'est pas grave. » Céleste n'y avait rien compris.


-Tu vois, dit-elle de sa voix fluette. Il est tout petit. Et c'est moi qui m'en occupe. Il est beau hein ?

Elle était prête à lui décrire toutes ses qualités. Céleste était bavarde. Trop. On lui disait souvent. Donc elle s'arrêta un instant pour avoir l'assentiment de sa soeur.

Algonde a écrit:
Lorsqu'Algonde entendit parler de raisin, elle lança à sa sœur un regard faussement interrogateur et vraiment plein de reproches. Elle savait bien où elle avait été le piquer, ce raisin là! Mais voyant que tout le monde, et surtout leur père, s'en contrefichait, elle haussa les épaules et s'en retourna à sa cuisine.
Après tout, ce n'est pas trois grains en moins qui allait appauvrir ce vieux porc qui leur faisait office de voisin. Et voir son père de presque bonne humeur était quelque chose d'assez rare pour ne pas gâcher le moment avec des considérations si futiles que l'honnêteté ou le respect d'autrui. On verrait cela à la prochaine messe!

Les mains sur les hanches, un peu désespérée, la jeune fille regardait leurs maigres provisions se demandant comment elle pourrait offrir à sa famille un repas convenable. Mais à chose impossible nul n'est tenu, et elle se dit que si les portions diminuaient un peu, le plaisir d'enfin retrouver Tiphaine devrait compenser un peu.
Elle allait donc se mettre à l'ouvrage quand elle entendit son père. Elle se retourna et le vit dans l'embrasure de la porte. Bien qu'ayant renoncé à tout autre exercice que le levé de coude depuis bien longtemps, cet homme avait toujours une belle carrure et impressionnait beaucoup Algonde. Cette dernière se tût, dans l'expectative.


Tu as été au marché aujourd'hui?

Sans un mot, elle répondit oui de la tête. Elle savait bien ce qu'il allait lui demander. Elle avait songé un instant à lui désobéir et acheter un peu de lard, mais elle se félicitait maintenant de n'en avoir rien fait. Tiphaine méritait une soirée à peu près calme pour son retour.
Elle tendit le bras et lui montra où était sa bouteille de tord boyaux. Elle aurait voulu ajouter que les finances étaient à sec, qu'il serait bon de la consommer avec modération, qu'être sobre un soir ou deux par semaine pouvait être une bonne chose mais n'osa pas. Elle se tût, le regarda prendre la bouteille et retourner dehors. Son père aimait s'installer sur une chaise adossée au mur de la maison, et observer les alentours pendant qu'il s'enivrait. Si Algonde avait la paix à ce moment là, elle regrettait que quiconque passant par là puisse voir dans quel état se mettait son père, sans qu'elle ne puisse rien faire pour l'en empêcher.

Se maudissant pour sa couardise, Algonde prépara le dîner, se faisant la promesse de ne plus jamais se laisser ainsi intimider. Un jour, elle lui dirait ce qu'elle pensait vraiment; Un jour, elle lui mettrait la tête sous l'eau pour lui éclaircir les idées; un jour elle ferait de lui un père digne de ce nom, ou rien du tout.

Le dîner prêt, elle respira un bon coup, pour se calmer. Hors de question que ses sœurs voient la colère qui l'habitait. Elle sortit chercher son petit monde, se demandant si son père serait en état de manger, cette fois-ci.

Tiphaine a écrit:
[Un peu de calme avant la tempête]

Le père n’avait pas réagi à l’annonce de son retour. Il n’avait pas eu le temps, surtout, Celeste ayant détourné l’attention sur le raisin qui accompagnait les cerises, puis ayant entraîné Tiphaine vers le clapier derrière la maison.
Laissant là Algonde et leur père, la rouquine suivit sa petite sœur. Elle s’agenouilla afin de se mettre à hauteur de l’animal, puis pencha la tête sur le côté droit, signe pour elle d’une intense réflexion.

Le lapereau de Celeste était blotti dans un coin, presque caché sous la paille qui couvrait le sol, et s’approcha lorsque l’enfant ouvrit la porte et déposa quelques épluchures de légumes mélangées à des brins d’herbe. Un petit bol dans un coin, encore rempli d’eau, complétait l’aménagement de son hébergement.

Tiphaine redressa la tête et sourit à Celeste.


Il fera un beau civet, celui-là ! Le visage de la petite fille se renfrogna alors et ses yeux s’humidifièrent, sans que Tiphaine en comprit la raison. La jeune fille n’avait pas pensé à mal, pourtant. Simplement, dans son esprit, elle ne pouvait imaginer que sa sœur ait pu s’attacher à l’animal. Un lapin, c’est un lapin, et c’est destiné à finir dans l’assiette !
Elle ajouta alors, dans une tentative maladroite pour consoler Celeste.
Mais pas tout de suite, il est encore trop petit, on n’en tirerait pas grand-chose !

L’affaire était donc réglée, et après encore un peu de temps à caresser la douce fourrure du léporidé, le soleil déclinant à l’horizon leur indiqua qu’il était temps maintenant de rentrer.
La porte de la maison était grande ouverte afin de faire quelques courants d’air et qu’entre un peu de fraîcheur bienfaisante. Sur une chaise à côté du perron, à moitié affalé, se tenait le père, une bouteille à la main.
Tiphaine ne se souvenait pas l’avoir vu autrement lors de sa visite hebdomadaire, et ne savait pas ce qui l’impressionnait le plus. De la stature imposante de l’homme, ou de son caractère renfermé et abrupt lorsqu’il buvait. Heureusement que Celeste et Algonde étaient là pour détendre l’atmosphère (et Tiphaine était bien loin d’imaginer les efforts de son aînée pour faire bonne figure devant elle.)
En plus, la vinasse qu’il ingurgitait était une affreuse piquette, Tiphaine l’avait goûté en cachette une fois, il y a quelques mois de ça. Rien à voir en tout cas avec le vin que le père Benoît consommait (et qu’elle avait aussi expérimenté en secret), et qui lui était fourni par un viticulteur des environs.

C’est que le père Benoît était aimé de ses ouailles, qui le lui montraient en lui offrant régulièrement des victuailles. Le boulanger le fournissait quotidiennement en pain, et il n’était pas rare que volailles, œufs, légumes et fruits en abondance soient au menu. A sa table, on mangeait bien, et copieusement.

Voila une chose aussi qui allait changer, et la rouquine s’en aperçu bien vite. Le repas préparé par Algonde, et qui les attendait sur la table, était… frugal…
Tiphaine ne put retenir une grimace, mais heureusement et étonnamment ne fit pas de commentaires. Elle se contenta de sortir écuelles et gobelets, et de les agencer (une des rares habitudes qu’elle avait prise chez le curé) pendant que tous prenaient place.

Le repas se déroula dans une relative bonne humeur. En fait, Celeste réussissait presque à monopoliser la conversation à elle toute seule, racontant les faits importants de sa journée : comment elle avait suivi un papillon qui volait de fleur en fleur, comment elle avait trouvé une coquille d’escargot vide… Tiphaine souriait en l’écoutant, jetant de rares coups d’œil vers le père qui se descendait verre après verre, le regard dans le lointain. La bouteille était presque vide déjà lorsque le moment du dessert arriva.

Le panier empli de cerises et de quelques grappes de raisin fut alors posé au centre de la table, et dans le silence, les trois sœurs attendirent que le père se serve en premier.

Celeste a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  Calest10

Celeste se mit à genoux sur le banc, posa ses deux coudes sur la table et attendit que le père prenne la grappe de raisin. Il était évident que le père de cette adorable enfant ne pouvait résister à l'envie de déguster le raisin qu'elle avait cueilli pour lui. Ses grands yeux azurs le fixèrent avec attention quand il prit le raisin et commença à y goûter. Le père était habitué à des cadeaux bien plus saugrenus, il était donc rôdé en la matière. Aux questions « Aime-tu père ? » ou « C'est bon ? » ou encore « Ça te fait plaisir ? » qui ne manquèrent pas d'être posées deux ou trois fois chacune, il sut trouver la réponse appropriée : malgré l'acidité et la grosseur des pépins du raisin, il affichait son sourire des meilleurs jours en espérant que sa fille n'ait pas l'idée de lui en ramener d'autres dès le lendemain matin. Encore fallait-il qu'il y eut un lendemain pour tous...

Ravie de la prestation paternelle, Céleste s'installa correctement à côté de Tiphaine, les deux fesses posées sur le banc. Elle se lova contre la jeune fille rousse pour se faire câliner, sachant pertinemment qu'elle n'oserait pas la repousser, étant à peine de retour.

Tout à coup, l'homme tenta de tousser, porta ses mains à sa gorge et rapidement pris une couleur cramoisi.

Le Père a écrit:
Il n’avait pas toujours été comme ça, le père. Bourru, acariâtre, revêche. Aigri. Et alcoolique.
Non, il avait eu une période heureuse, une femme belle et aimante qui lui avait donné des enfants. Certains étaient morts en bas âge, certaines avaient survécu. Une vie sans histoires, en somme.

Jusqu’à ce jour, cinq ans auparavant, où la vie avait accueilli Celeste, en même temps que la mort recueillait sa femme.
Alors il s’était refermé sur lui-même, ne trouvant plus d’intérêt que dans la compagnie de cette affreuse piquette qu’il ingurgitait à longueur de journée et qui lui faisait oublier le naufrage qu’était devenue son existence.
L’ambiance familiale s’était détériorée, Braise, l’aînée, avait quitté le domicile pour suivre un homme qui lui avait fait miroiter une vie meilleure. Algonde s’était retrouvée à devoir s’occuper de faire tourner la maison, Tiphaine avait été placée comme bonne chez le curé.
Seule Celeste trouvait grâce à ses yeux, son caractère facile et enjoué, elle ressemblait tant à son épouse défunte…

Et pourtant ce jour là, dans cette pièce, dans cette maison, lors de ce repas, on aurait pu croire pour un moment l’harmonie familiale revenue. Si Algonde et Tiphaine se montraient relativement discrètes, la benjamine ne tarissait pas de paroles, et le père lui-même ne pouvait s’empêcher de sourire devant son exubérance.
Et c’est autant par attrait du raisin que pour faire plaisir à l’enfant qu’il saisit alors la grappe qu’elle avait récoltée à son intention. Un grain, puis deux… Une grimace retenue, les fruits avaient été cueillis avant leur pleine maturité et il s’en fallait de peu que leur aigreur ne lui fasse venir les larmes aux yeux. Mais sous le regard de ses filles, il essaya de faire bonne figure. Pour une fois.

Jusqu’à ce que Celeste lui demande pour la énième fois s’il aimait, et qu’il aille pour la énième fois lui répondre que c’était délicieux.
Les mots s’étranglèrent, un grain, plus gros que les autres, s’était coincé au fond de sa gorge. Il tenta de tousser, en vain, le fruit ne bougea pas. Un regard autour de lui. A boire, il lui fallait boire pour faire passer ce qui le gênait, l’empêchait de respirer !
Mais la bouteille était vide. Le broc d’eau aussi.

Le puit ! Il devait aller jusqu’au puit pour tirer de l’eau ! Le visage rougi, les mains sur la gorge comme si cela lui permettait de mieux respirer, il se leva et sortit de la maison. La bouche grande ouverte à la recherche d’un peu d’air salvateur, il se dirigea vers le puit, dont il devinait la margelle plus qu’il ne la voyait, les larmes ayant envahi ses yeux sous l’effort qu’il faisait pour respirer.

Il était presque arrivé au puit, titubant, tant sous l’effet de l’alcool qu’il avait absorbé que de la raréfaction de l’air qui arrivait jusqu’à ses poumons. Dans le brouillard qui embuait ses yeux et son esprit, il ne vit pas une bouteille vide qui traînait à quelques pas du puit, une de celles qu’il ne ramassait jamais, certain qu’il était qu’Algonde s’en chargerait pour lui.
Oui mais voila, Algonde n’avait pas encore fait le tour du jardin, occupée qu’elle avait été par le retour de Tiphaine et la préparation du repas…

Les pieds du père heurtèrent le flacon, et il perdit l’équilibre. La chute fut rapide, pas le temps ni le réflexe de se rattraper à quoi que ce soit.
Il chancela, se sentit partir en avant, son corps heurta une surface dure. La margelle du puit. Emporté par l’élan, il passa par-dessus, et la chute continua. Jusqu’au fond du puit.

Noir.

Fin de l’histoire
.

Algonde a écrit:
Ce repas n'avait décidément pas été comme les autres. L'arrivée de Tiphaine et la bonne humeur de Céleste leur avait presque rendu leur père d'antan: affable, souriant, généreux... Profitant de l'agréable soirée, Algonde se demandait combien de temps cette félicité opèrerait dans cette maison. Elle ne croyait plus aux contes de bonne femme depuis bien longtemps et savait qu'un moment où l'autre, le quotidien reprendrait le dessus.

Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'est que le quotidien, justement, ne reviendrait jamais vraiment comme avant. Les évènements se succédèrent si vite, que ni elle, ni ses sœurs, ne comprirent vraiment ce qu'il se passait.
Alors qu'il répondait de bonne grâce aux questions de sa cadette, devint soudain rouge vif, tendant la main à la recherche de quelque délivrance. L'inattendu semblait avoir figé Tiphaine, qui avait pourtant resserré son étreinte autour de Céleste. Cette dernière regardait son père avec surprise, sans vraiment comprendre, mais petit à petit, le sourire désertait son visage angélique. Quant à Algonde, elle se leva d'un bond en voyant qu'il n'y avait plus rien à boire sur la table. Mais c'était trop tard, son père courait déjà vers le puits. Elle avait à peine passé la porte, qu'il amorçait déjà sa terrible chute dans le puits.

L'horreur de la situation ne lui arracha cependant aucun cri. Elle n'avait tout simplement plus de voix. Ses yeux se posèrent sur la bouteille responsable de leur deuil si soudain.
Quelle véritable excuse pouvait-elle se donner de ne pas l'avoir ramassée? Elle avait tant détesté son père, qu'on pouvait se demander si elle n'avait pas souhaité, quelque part, ce terrible dénouement.

Elle interrompit ses tristes réflexions, réalisant soudain que ses sœurs l'avaient rejointe dans la cour. Elle les serra contre elle et, reprenant son pragmatisme, dit d'une voix éteinte:


Il va falloir le sortir de là.

Celeste a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  Calest10

Les yeux écarquillés, Céleste regarda son père fuir la pièce, suivi de quelques secondes par Algonde. La fillette ouvrit la bouche mais n'eut pas le temps de sortir un son que Tiphaine décida d'imiter l'exemple de leur aînée en oubliant par la même occasion qu'elle soutenait Céleste. La blondinette perdit l'équilibre et se retrouva par-terre, les fesses en premier. Elle faillit se mettre à pleurer mais un regard autour d'elle lui rappela qu'elle était seule, dès lors elle estima qu'il était inutile d'entrer dans des états pareils.
Elle se mit sur ses jambes et courut jusqu'à Algonde qu'elle frôla. Cette dernière la serra contre elle et dit une phrase étrange qui fut suivie d'un silence tout aussi étrange. Elle leva les yeux vers sa soeur qui regardait le puits.


-Il est dans le trou ? interrogea Céleste.

Le visage d'Algonde était plus grave qu'à l'accoutumée, celui de Tiphaine paraissait sérieux. Avant même qu'on lui réponde, Céleste s'élança vers le puits et fit une chose qu'on lui avait toujours interdite. Elle s'appuya sur la paroi circulaire en pierres et se pencha. Les bouclettes de sa chevelure dansèrent dangereusement dans le vide en caressant ses joues rondes.


-Papaaaaa ! Remonteeeeee !!!!

Son cri retentit dans l'abîme pour progressivement s'éteindre laissant le calme régner à nouveau. Peu à peu, elle prit conscience de l'obscurité du puits et surtout du silence qui en émanait. L'inquiétude l'envahit petit à petit. Algonde ne lui avait-elle jamais dit de ne pas s'approcher du puits ? Et quand Céleste s'amusait à braver son autorité, n'avait-elle pas ajouté que si, par malheur, elle y tombait, personne ne pourrait aller la chercher ?

Tout à coup, une main s'abattit sur elle et la tira en arrière.

Tiphaine a écrit:
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]  New_id10

La scène s’était déroulée rapidement. Trop rapidement pour que Tiphaine comprenne immédiatement le drame qui se déroulait sous leurs yeux. Machinalement, elle serra Celeste davantage contre elle, suivant du regard le père au visage cramoisi qui sortait en titubant de la maison, suivi d’Algonde.
Comprenant enfin qu’il se passait quelque chose d’anormal, elle bondit sur ses pieds, oubliant dans sa hâte la benjamine qui trônait sur ses genoux et se retrouva par terre dans le mouvement. Petite moue désolée tout en rejoignant au dehors Algonde qui fixait, atterrée, le puits.

La bouteille roulait encore doucement à côté de la margelle, et Tiphaine devina l’issue fatale qui avait suivie la sortie du père. Celeste les avait rejointes et elles se serrèrent sans un mot contre leur aînée qui leur rendit leur étreinte.
Puis Algonde rompit le silence. Oui, il fallait le sortir de là ! Les mots tournaient dans la tête de Tiphaine, sans réussir à trouver de réponse. Comment allaient-elles pouvoir faire ? Courir au village pour chercher de l’aide ? Malgré l’alcoolisme du père qui avait éloigné la famille de toute relation avec leurs voisins, il se trouverait bien une âme charitable pour les aider…

La rouquine en était là de ses réflexions lorsque Celeste s’approcha du puits, et se penchant sur la margelle, intima l’ordre au père d’en remonter. Alors Tiphaine s’avança et, posant une main ferme sur l’épaule de la fillette, la tira en arrière.
Quiconque observant la scène aurait pu croire que la jeune fille cherchait à éloigner l’enfant d’un spectacle qui n’était pas pour son âge, ou encore à la protéger d’une chute. Mais ce quiconque là ne connaissait pas Tiphaine !


Laisse-moi voir !

Tiphaine se posta alors à l’endroit où se tenait sa petite sœur quelques instant auparavant, et posant les mains sur la margelle du puits, se pencha à son tour. La douce fraîcheur qui émanait de l’ouvrage contrastait avec la chaleur ambiante.
Ses yeux s’habituèrent bientôt à l’obscurité, et elle distingua quelques mètres plus bas, le corps inerte du père. Le silence qui se dégageait du puits n’était rompu que par le léger clapotis de l’eau, là, tout au fond…

La jeune fille se redressa et secoua la tête tout en se tournant vers ses sœurs.


Finalement, c’est l’eau qui l’aura tué !... Puis s’adressant plus particulièrement à Algonde, qui devenait à cet instant le chef de famille Comment on va faire ?... Il est tout coincé au fond. En plus, il a décroché le seau en tombant, on ne va plus pouvoir tirer d’eau !
Revenir en haut Aller en bas
https://jardinsecret.forums-actifs.com
 
1457-11 Un puits, une lettre, un voyage [Bourgogne]
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
 :: RP d'ici et d'ailleurs :: Divers-
Sauter vers: